Elle dit « c’est comme s’il m’avait mis sa bite dans la bouche pour m’empêcher de parler ».
Je lui dis « reprends-toi, tu es en colère. On va te reprogrammer. »
Elle dit encore « j’étais sidérée, je voyais l’heure passer ; j’obéissais à ses ordres de changer de diapo comme si j’étais son assistante ; j’étais sidérée par ses commentaires qui relevaient plus de la lecture d’Astérix ou des contes et légendes de l’histoire de France que de sources avérées. »
Je lui dis « Il faut comprendre, c’est un passionné. Il ne voit pas le temps passer. Il n’y a rien de personnel, c’est juste la passion qui l’emporte. »
Elle dit encore « j’essayais de comprendre pourquoi ce partenaire si sympathique, avenant, souriant se transformait en goujat bonimenteur incapable de lâcher le micro qu’il tenait depuis 2 heures. »
Je lui dis « tu aurais dû faire attention quand il t’a remis son conducteur. 80 diapos, ça ne se passe pas en 1 heure. C’est là qu’il aurait fallu intervenir, en amont ».
Elle dit encore « c’est ma faute, je n’ai pas réagi, je n’ai pas dit stop, je ne voulais pas passer pour la méchante ; je ne voulais pas passer pour celle qui sait, qui a fait de vraies recherches, qui cite ses sources, une emmerdeuse, une hystérique comme on dit. C’est vrai, je n’ai rien fait. »
Je lui dis « on va reprogrammer ta conférence ; n’en fais pas tout un drame ; tu sais les gens étaient contents, ils aiment qu’on leur raconte des histoires, ils ont ri, tu sais, à ces petits détails un peu crus : le seigneur des lieux qui pisse sur ses attaquants, la sauvagerie des révolutionnaires pires que la gauche et les écolos d’aujourd’hui, la grandeur de Napoléon, tout cela plaît dans notre petite commune apolitique. Fais attention à ne pas trop en faire avec ta rigueur scientifique et ta critique des sources. Tout le monde s’en fout. Ce qu’on veut, c’est passer une bonne soirée. »
Elle ne dit plus rien. Je crois que j’ai été persuasive, que j’ai évité un scandale, qu’elle a compris qu’il ne faut pas faire toute une affaire d’une minuscule erreur de timing. Le mieux, c’est d’étouffer l’affaire, et pour son bien encore. Son histoire de bite dans la bouche, c’est sûr que ça se serait retourné contre elle. Son fantasme peut-être, ils auraient dit.
Je lui dis encore « Fais attention, tu te déconsidères en mettant cela sur le compte du machisme. On ne peut pas tout mettre sur le compte du patriarcat, surtout pas un détail comme celui-là. Vous deviez faire la conférence à deux et tu n’as pas pu parler. OK. Tu te rends bien compte que c’est un détail, un tout petit détail. Personne d’ailleurs n’a réclamé que tu prennes la parole. Tout le monde en avait assez entendu, sans doute ta partie n’était-elle que le développement d’un des points qu’il avait déjà traité, du superflu. »
« On va te reprogrammer, on communiquera. Veux-tu que j’organise une réunion pour que vous en reparliez ensemble, je veux bien faire la médiation si cela te rassure. Je pense que tu aurais dû mieux préparer les choses, ne pas te laisser mettre devant le fait accompli, être plus professionnelle. Ce malentendu m’ennuie autant que toi, mais il faut avancer maintenant. »
Elle s’est déjà levée, elle ne m’écoute plus. Elle s’en va. Après tout, tant mieux, j’aurais fait tout ce que je pouvais. Les femmes deviennent de plus en plus hystériques. C’est fou ce qu’elles manquent de subtilité. Elles ne savent vraiment pas se défendre. Les prochaines journées du patrimoine, c’est dans un an. On a le temps d’y réfléchir.
L’entrée en manières est caricaturale et elle dit l’essentiel sur la privation de consentement. Ce genre de situation affecte bon nombre de conférences où le partage de la parole est inégale car asymétrique. Beaucoup d’orateurs se recrutent dans les rangs des bavards impénitents et les autres font comme on dit allégeance polie ou tapisserie. Il vaut mieux en rire en attendant les journées du Matrimoine ou du Pa&MaTrimoine.La grivoiserie est une arme redoutable pour débusquer le potentiel de réceptivité des proies en présence. C’est ce qu’on appelle aussi un discours « déplacé » et « aguicheur ». Mais il faut aussi admettre que les diapositives sont un puissant somnifère pour les libidos en attente de réactivation occasionnelle. Ce n’est pas tous les jours non plus que le coq a une assistante pour hausser la longueur de son chant. C’est déjà bien d’être à la Tribune pour observer et débriefer ici.
Merci Marie-Thérèse. On sent que tu as de la pratique de ces bonimenteurs. C’était tellement caricatural que j’avais besoin de l’écrire pour retomber sur mes pattes.
Quelle belle colère qui fait tourner le sang ! Je l’espère cathartique…
Non, pas vraiment cathartique. Un tel comportement est inadmissible et demande excuses et réparation. Je sais que je n’aurai pas d’excuses, mais je négocie 5 conférences désormais. En bonne voie, je l’espère…les femmes ne doivent plus se laisser faire, nulle part.