Sans doute devais-je ma survie à ma grand-mère. Depuis que mon père avait disparu, tout reposait sur ma mère. Elle n’avait pas eu à y réfléchir beaucoup avec cinq bouches à nourrir en plus de la sienne. Ma grand-mère elle, était auto-suffisante, si elle passait son temps à cuisiner pour nous, je ne me souviens pas l’avoir vu manger autre chose que de ses soupes et ses infusions qu’elle rangeait dans son éternel cabas. Elle avait perdu la moitié de sa dentition et ne croquait que très rarement, en grimaçant. Mais revenons à ma mère, la pauvre femme, cumulait trois boulots pour nourrir la famille. Donc mon père n’étant pas rentré d’un petit voyage avec sa secrétaire, plus personne n’avait plus entendu parler de lui, même pas sa propre mère qui avait remplacé la mienne au sein de la famille. Pour en revenir à cette dernière, elle n’avait donc pas eu d’autre choix que celui du labeur. Quand je me levais le matin, elle n’était déjà plus là, l’embauche de la boulangerie se faisait à quatre heures du matin et c’était ma grand-mère qui nous réveillait le matin avec l’odeur du café chaud. Ma mère, je ne l’apercevais que très tard le soir, quand elle rentrait des ménages que certaines familles du quartier lui proposaient. C’est qu’elle s’y connaissait ma mère, de jour, elle exerçait comme femme de chambre à l’hôtel Cumbres. C’est comme cela qu’elle avait laissé à ma grand-mère, le rôle de nous élever, mes frères et moi. Et on peut dire que c’était une activité pour laquelle ma grand-mère avait un style tout à fait personnel. Mais pour en revenir à ma mère, Dieu ait son âme, la pauvre femme s’épuisait au travail avec acharnement. Oui, cinq enfants et une maison à payer seule, ça laissait peu de place au divertissement. Heureusement, ma grand-mère faisait un bien meilleure compagne que mon père lui-même et au fil des années, les deux femmes étaient unies comme si elles étaient de la même famille.
Beaucoup aimé la fluidité du texte, ses articulations
et puis bien sûr, la lignée des femmes, sujet qui nous occupe et que nous partageons
merci Irène
très belle lecture, rugueuse et qui pousse dans l’avant du texte, merci