Il faut que je parle un peu de la barque. Elle n’était pas d’ici. C’était un beau pointu ponté de huit mètres avec dans sa cale un inusable moteur diesel Baudoin. Nous sommes allés le chercher en voilier à Villefranche-sur-mer. Le convoyage s’est bien passé, y compris la nuit. Deux d’entre nous accompagnaient le docteur qu’il n’était pas question de laisser seul à la barre de son pointu. Sur le voilier qui le suivait, nous étions trois, trois amis amarinés, trois attentifs à la sécurité de la barque et de son équipage, trois en veille permanente. A notre arrivée à Bastia – il était plus que midi- nous étions tous soulagés. Le docteur, lui, était euphorique.
Sans trop en dire, il faut que je parle un peu du docteur. La barque et son retour vers son gréement traditionnel était l’un de ses projets ambitieux, plus ou moins réalistes, qui l’agitaient de manière cyclique. Le docteur était en effet d’humeur oscillante. Avec une régularité déconcertante, il passait d’un épisode d’excitation à une période d’abattement, de la manie à la dépression. C’est bien plus tard, bien après l’affaire de la barque, après le décès de son épouse que les troubles du docteur s’aggravèrent.
Il n’est pas question ici de parler de l’épouse du docteur. Évoquer seulement un moment de grâce. Une nuit d’été, le voilier était au mouillage dans une baie du cap corse, elle m’avait appris à reconnaître Saturne, basse au dessus de l’horizon.
les barques en amer (#été2023 #08bis | calfater) les barques ouvrent l’imaginaire dans tes textes. Le mal du docteur je peux l’imaginer difficile à « calfater » … est-ce que le mer l’apaisait?
Et reconnaitre Saturne au dessus d’une baie est-ce que ça apaise?
on est pris par ces bribes le peu dit beaucoup ici …
Grands mercis Nathalie de tes passages et retours attentifs et précieux. La mer ne pouvait pas apaiser le mal du docteur. Elle s’est engouffrée au contraire dans ses crises les plus extrêmes en vagues successives. Les étoiles par contre auraient pu l’aider . C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles l’épouse du docteur tentait de voir si loin dans le ciel.
Et toujours une photo accompagnant la beauté du texte, bonne journée Hugo.
Merci Clarence. Belles journées et vives écritures.
oh merci encore une fois Ugo, merci pour le sourire qui m’est venu et flottait en suivant les phrases… merci à vous trois aussi d’avoir veillé sur le pointu qui se risquait à la traversée et sur les rêves du docteur
Vos sourires me comblent. Merci Brigitte, merci.
C’est beau d’arriver comme ça en trois petits tableaux à poser à faire advenir un personnage et une histoire qu’on a envie de continuer à découvrir. Et c’est beau aussi, ce « je » du narrateur tellement discret parce que finalement, c’est le docteur qui compte