Avant que je ne vous parle de son voyage, il faut que je vous parle de sa durée. Il était prévu pour trois nuits. Trois nuits c’est le temps nécessaire dans les contes pour que le prince reconnaisse la princesse qui l’a vu partir pour des contrées lointaines et reconquis à l’aube de la troisième nuit. Trois nuits c’est le temps qu’il faut pour que le corps reconnaisse son âme et s’embrase. Trois nuits c’est le temps qu’elle avait jugé nécessaire pour cet éloignement forcé de son quotidien vers ce qu’elle appelait un retour. Un retour vers un pays d’enfance qu’elle évitait depuis quelques années par peur du raz de marée dans son âme encore fragile sur la question des origines.
Avant que je ne vous parle de son voyage qui était pour elle, comme je vous l’ai dit, un retour aux sources, il faut que je vous parle de l’événement qui l’a écourté, celui qui la mise à terre sanglotant en haut du jardin, l’endroit exact d’où lui était venu en rêve le sourire tranquille de sa vieille tante quelques semaines auparavant et qui l’avait définitivement convaincue de la nécessité de ce voyage. Elle s’était obligée à ce retour malgré un malaise crescendo qui avait pris la forme d’une douleur lui enserrant le cœur, comme des spasmes provoqués par des sanglots coincés à la surface sans soulagement possible, sauf dans l’immobilité de sa respiration empêchée, où même là, elle arrivait à peine à pleurer alors qu’elle aurait pensé ainsi s’en libérer. L’événement totalement anodin qui a écourté son voyage est une intrusion dans le jardin au petit matin, la confiance accordée, le sentiment infantile d’avoir fait une bêtise, la colère de s’être laissée dupée, de s’être un peu trop éloignée de son terrier pour faire un retour dans le passé, et se rendre compte à quel point il n’est plus sécurisant d’aller creuser de ce côté-là. A présent elle pleurait sur sa naïveté.
Mais il n’était plus temps de se laisser aller à la culpabilité, il fallait refermer la maison, celle des odeurs, des hontes, des joies et des rires étouffés. Cette effraction dans la réalité avait balayé la nostalgie dans laquelle elle s’était drapée et l’avait décidée à écourter son voyage pour effectuer un vrai retour chez soi. Elle s’était précipitée pour tout ranger, passer le balai, nettoyer les draps, les étendre pour ceux qui viendraient à sa suite, pour qu’au réveil de sa troisième nuit, elle soit dans son lit à elle, entourée des siens. Le vrai retour, un passé enfin assimilé pour trouver le rythme de la petite foulée qui l’aiderait à remonter la pente sans trop se retourner.
Vraiment très agréables à lire, ces enjeux dans lesquels ont peu se reconnaître. Merci beaucoup
Merci pour votre commentaire !
On ne sait pas finalement ce qu’il s’est passé et le début du voyage. Ou bien n’ai-je pas su bien lire le texte.
Cela donne un mystère, une envie d’en savoir plus, de plonger dans l’histoire. Mais peut être que tout est déjà écrit depuis les autres propositions. Il faudra que je remonte dans les textes.
Merci pour votre lecture ! J’en suis encore à écrire des fragments donc pas trop de linéarité dans mes textes jusqu’à maintenant, les choses viennent plus au fur et à mesure, un peu par capillarité de texte en texte