Note de l’auteur :
Face à la demande insistante du personnage pour que l’auteur que je suis prenne d’avantage en considération sa personnalité plus complexe qu’il n’y paraît dans les lignes de ce roman, et afin d’éviter une surenchère qui conduirait in fine à l’abandon de cette entreprise qu’est l’écriture de cette histoire (ce qui, bien évidemment, n’empêcherait pas le monde de tourner), il a été décidé, en accord avec le Syndicat des Personnages des Romans de Fiction, de donner plus d’espace au personnage en question afin qu’il s’exprime. Nous tenons, bien évidemment à présenter nos excuses au lecteur pour la gêne occasionnée.
Le bar de la plage est un bar qui ressemble à tous les bars, sauf qu’il est près d’une plage. Ce qui n’est évidemment pas le cas de tous les bars. On pourrait dire aussi qu’il ressemble à tous les autres bars dont nous nous souvenons, ceux d’une certaine génération de bars, cette précision n’est pas anodine parce que les bars comme celui-là disparaissent lentement du paysage, que ce soit à la ville ou à la campagne. Je (ce je représente l’auteur et non le personnage) n’ai jamais fait d’étude comparative entre les bars actuels et ceux du passé mais j’ai l’impression que le genre de bars auquel je fais référence disparaît peu à peu. C’est peut-être une vue de mon esprit, parce que je vieillis et que, malgré moi, une certaine nostalgie me fait voir des choses qui ne sont pas. Ou plutôt qui ne sont plus. Mais cela n’a pas grande importance. Ulysse s’est retrouvé dans ce bar près d’une plage et c’est là qu’il les a retrouvés.
Avant d’aller plus loin, je dois vous préciser qu’Ulysse n’est pas un habitué des bars. Cela peut vous paraître sans importance mais s’il fréquentait assidument les débits de boissons, il serait un personnage qu’il n’est pas. Évidemment, tout ce qui est écrit sur lui dans ce roman ne suffit pas pour en tracer un contour exhaustif car seuls sont révélés au lecteur des détails sur lui qui font avancer l’histoire. Il pourrait parfaitement passer beaucoup de temps dans les bars en dehors des pages de ce livre sans que le lecteur n’en sache rien, pourvu que cette habitude n’altère pas le fil narratif (voilà un exemple d’espace laissé au personnage afin qu’il s’exprime, il aurait pu expliquer au lecteur ce qu’il fait en dehors des pages du livre mais, apparemment, il n’a pas voulu utiliser cet espace d’expression). On peut aussi imaginer qu’un habitué des bars possède un penchant certain pour l’alcool, ce qui ferait d’Ulysse un personnage qu’il n’est pas, mais on peut aussi imaginer qu’un habitué des bars ne boive que du café (même si l’excès de café révèlerait tout autant les contours d’un personnage qu’Ulysse n’est pas) ou toute autre boisson. Mais le fait est qu’Ulysse n’est pas un habitué des bars. Cela n’a pas grande importance, évidemment.
Avant d’aller plus loin, je dois aussi préciser que ni Bérénice, ni Phénix, ni Hector, ni Hélène ne sont des habitués de ce genre d’établissements. Parmi ceux qu’Ulysse retrouve ce jour-là au bar de la plage, seul Achille pourrait être qualifié d’habitué. Même si l’attribut mérite quelques nuances parce que depuis une bonne dizaine d’années, Achille préfère boire son café du matin dans sa cuisine en contrebas de la voie ferrée et y lire son journal qu’il aura préalablement récupéré sur son paillasson. Quant à l’apéritif, s’il en a été un adepte régulier lorsqu’il jouait à la pétanque avec ses compagnons de la « Boule Gazeuse de Pelouche », il a perdu cette habitude depuis une bonne dizaine d’années, là aussi, quand l’arthrose a pris le dessus sur le plaisir d’un pastis partagé. De fait, dans le lot des personnages dont il est ici question, un seul possède quelques attachements avec les bars de façon générale mais en aucune façon avec le bar de la plage qui nous intéresse puisque qu’Achille, ainsi que les autres personnages déjà cités, n’y avait jamais mis les pieds avant ce jour. Cela n’a pas grande importance mais dans le cas contraire, cela aurait pu en avoir.
Avant d’aller plus loin, et c’est là où je voulais en venir avec ces digressions qui, au final, ont peut-être leur importance, c’est que ces personnages ne se sont pas retrouvés au bar de la plage par hasard. Cela aurait pu être le cas, tout est possible dans les romans, mais pour cette occasion, ce n’est pas le cas. Il est clair qu’une histoire faisant état d’une situation si peu probable perdrait instantanément en crédibilité. Même si la crédibilité n’est pas un objectif majeur pour le narrateur que je suis (j’ai déjà du mal à me croire crédible). Je ne suis pas très calé en mathématiques mais la probabilité pour que six personnages qui ne sont pas habitués de ce genre d’établissements (sauf un) se retrouvent dans un bar bien précis dans lequel aucun n’a jamais mis les pieds sans aucune autre intervention narrative, cette probabilité là doit être proche de zéro. Il y a donc une raison pour laquelle ils s’y sont retrouvés. Cela n’a pas grande importance mais sans doute était-il utile de le souligner.
Avant d’aller plus loin, je tenais à préciser que la ou les raisons qui ont mené ces six personnages au même endroit au même moment pour se retrouver me sont entièrement inconnues. Cela n’a pas grande importance, c’est certain, mais je ne voudrais pas être taxé de je-m’en-foutisme par le lecteur qui a fait l’effort de suivre cette histoire jusqu’ici. L’auteur que je suis ne peut pas aller à l’encontre de la volonté des personnages. S’ils le jugent nécessaire, ils sont en droit de ne pas préciser de quel manière ils sont arrivés à ce qui semble être, selon toute vraisemblance, un rendez-vous. Monsieur Quichotte, membre éminent du SPRF, me l’a bien précisé et j’applique ses directives. C’est malheureusement le lecteur qui fera les frais de cette injonction et il ne saura rien de la façon dont les six personnages dont il est ici question, Ulysse, Achille, Bérénice, Phénix, Hélène et Hector, se retrouvent ce jour-là au bar de la plage. Pour rappel, aux dernières nouvelles que j’ai moi-même eues et dont je vous ai fait part dans ces pages (allez vérifier en fin de première partie), Achille se trouvait dans un commissariat de police et s’accusait du meurtre de sa femme, Bérénice envisageait de partir à l’autre bout du monde, l’avatar de Phénix se trouvait sur un morceau de banquise en route vers le pôle nord et le couple Hélène et Hector avait disparu de la circulation après que le lecteur eut pris connaissance de leur enfance commune en Union Soviétique et de leur probable rôle dans l’explosion de l’usine Astoria Chemical en qualité d’agents secrets. Dernier personnage présent dans les premières pages de ce roman, Hippolyte, l’employé de bureau qui voulait devenir écrivain, a quitté l’histoire depuis plusieurs pages pour suivre sa voie. Quant à Ulysse, son parcours depuis la plage où nous l’avions laissé il y a quelques lignes est bien plus facile à tracer puisque le bar dont il est ici question se trouve juste derrière lui.
Même plaisir que lors de l’épisode précédent, ce mélange 10, bis, 11, fonctionne à merveille.
JMG
On rigole bien à vous lire, merci
Ah le café du matin et le bar de la plage et tous ces personnages – Merci Jean Luc, c’est toujours aussi agréable de suivre Ulysse. A bientôt.
rien n’a finalement beaucoup d’importance, mais de fil en aiguille, de paragraphe en paragraphe, de digression en digression, quelque chose se construit
et Raymonde a raison, ça nous fait rire, la révolte des personnages te permettant d’en rajouter sur la drôlerie
tout ça pour en arriver au bar de la page, juste dans le dos d’Ulysse !!
Lecture dans un bus bondé, la lecture m a permis l’évasion et un sourire sur les lèvres.
Le texte m’invite à remonter le fil des textes des autres propositions.