#été2023 #10bis | La voix sous les ronces

Gigotte, gigotte, aboie, oh ça ! elle te va pas la tambouille à maminette, passe le sel, la ferraille, t’en as donc trop dans le gosier, gigotte donc, on va pas se gêner mon biquet, faut que je te dise. Ça démange, on le fait passer comme on peut, racle, racle, gros gravier, oh ça ! ça va pas, dis moi, poussin, ce qui te passe dans la tête, mais pas du tout, oh ça ! ravaude, ravaude, laisse venir, ça ira mieux, faut que je te dise, on se fout de la vieille mon tout beau, c’est vilain, oh ça ! non c’est pas juste, je vais te dire, tu tournes autour du pot, tes mots, les phrases, les rats, bon coup de râteau, raté. Oh, ça ! veut pas sortir, crache donc, à vaux l’eau que j’te pousse,  tu vas entendre, ta littérature, non, ça vaut pas mieux que mes prières, le feuilleton, la Pamela, la madelon, non, Jerry qui trompe Esther qui empoisonne sa mère, des histoires tout ça poussin, rien que ça, les prières aussi oh ça ! gratte, gigotte, tortille, prière pour rien, qui tient, on se tient, ça viole tes filles, pas, pas, non elles étaient pas. Même. Réglées. Et que j’me sers avec mes grosses mains, moi les hommes, moi les médaillés des guerres, tous déréglés, pas même des hommes, vinasse tout ça, cramoisi tout ça, ça oui, alors prie va, ça fait tenir, c’est tout, tes histoires, les miennes, oh ça ! kif-kif bourricot, mon biquet, on tient, tu tiens, oh, non, faut que je te dise, un homme aussi le curé, qu’il fait sauter sur ses genoux mon tout petit, petit dernier, alors faut partir, prier, pourquoi pas ? Hein ? Oh, ça !  parce que, derrière y’a rien que le rien, oh ça ! pas la brume, pas le noir, pas le vide, rien que le rien, tes phrases, mes prières, tu comprends, racles, racles, faut tenir par un bout, mon bout, le tien, c’est bourricot, Oh ça ! va s’arrêter, t’as compris, Edward il croise Delphine, c’est l’amour au premier regard, tu ricanes poussin, moi pas, y’a rien que le rien derrière, fallait bien ça, tenir. Tu trouves quoi, toi, des bouts de ferraille ? Les tords dans un sens, les tords dans l’autre, et t’appelles ça une forme. Mâchouille, mâchouille, suce ça. Oh ça reste de la ferraille et ton besoin de forme c’est celui du premier couillon venu. Moi pareil, tout comme, biquet, sauf que, crache pas dans la soupe, va. Bouilli, foutu café bouillu, ta bouille, oui, Oh ça ! ma tambouille, t’en a tâté, ben c’est ça, tes phrases, ravaude, ravaude, égosille tant et tant, des histoires, rien que des histoires, et le rien du rien, ça tient là contre. Oh ça ! s’arrête.

A propos de Nicolas R.

Je vis au Mozambique. Prof doc de hasard (heureux) depuis quelques années. Facteur longtemps. Écrire. Pétrir. Pécrire ? Pécrire v. tr. (3e groupe) Étym. : De pétrir et écrire, formé sur le modèle de termes évoquant l’action de malaxer une matière pour lui donner forme. L’idée sous-jacente est celle d’une écriture travaillée, façonnée comme une pâte, qui fermente et prend du corps avec le temps. Prem. ut. : Attesté au XIIIe s., dans un fragment de poème attribué à Hugon de Belloc (?-1243) où il est écrit : « Pécrire n’est de valour se ce n’est de labeur, Bien vaut un mot frainé qu’un livre à l’erreur. Qui pécrit en silence et en main ferme, Il s’en suist au texte, que sa main étermine. » 1. Façonner un texte avec un geste physique, presque tactile, comme on pétrit une pâte. Pécrire implique de travailler les mots, de les modeler pour qu’ils prennent forme. – « Comme on retourne la terre, je pécris. Lorsque le sol se réchauffe et que les racines se déploient, les mots fermentent dans le noir et remontent à la surface comme les petites bulles d'air dans un levain » (Giono, Entretiens). 2. Retravailler sans fin un texte, le malaxer et le reformuler jusqu’à ce qu’il prenne une forme définitive, solide et concentrée, comme une pâte qui fermente pour libérer ses arômes et se structurer. – « Il pécrit, malaxant chaque phrase jusqu’à ce qu’elle prenne forme, comme une pâte laissée à fermenter, tissant ses réseaux de sens et de son, se concentrant sous la pression de son propre poids, jusqu’à ce que le texte devienne lui-même un acte complet, prêt à se déployer sous ses propres lois. » (Professeur Augustin Lavergne, Pour Flaubert, Université de Poitiers, 1869). 3.Écrire de manière viscérale, mais aussi contemplative, en laissant les souvenirs et les images du monde se distiller dans le texte, jusqu’à ce qu’ils deviennent presque indiscernables de la matière même de l’écriture. – « Pour pécrire, il faut avoir vécu, respiré le monde avec chaque pore de son corps, avoir laissé chaque souvenir se mêler à la chair du texte, que ce soit la brume d’une mer lointaine ou la chaleur d’un matin d’automne. Les mots naissent, ils s’élèvent, non pas comme des pensées, mais comme des événements vivants, façonnés par tout ce qui a été vécu. » (Rilke, Levain de nuit). 4. Écrire d’une manière viscérale, en modelant les mots comme on pétrit une matière brute. – « Je pécris, je pétris, j’écris, j’écrase, j'éreinte, je l’épaissis, je le mâche, je le crache, je le reprends, je le rend, prêt à trancher la masse » (Christophe Tarkos, Le Pétrin). – « Il pécrit la phrase, la tordille et la râpouille, la triture et l'empatouille, qu'à ses cris il s'exhultaille; il l’enroule et la dépiotte, la secoue comme un vieux linge ; il la grommelle, la martèle, la braille, jusqu’à à la fendure. Puis il la gicle, la glisse, la coupe en morceaux, la mélange et la pétrit encore. Et quand enfin la phrase s'amoncelle et soupire, il la reprend, il la bouboule et la pousse dans la fournaise » (Henri Michaux, Levain fini).