Dès la porte franchie en un grincement mon regard s’aventure au-delà attiré irrésistiblement par le scintillement de la mer, les vagues contenant les repères flottants de mes souvenirs viennent lécher la plage ; les mouettes peignent des arabesques dans le ciel. Mes pieds comme des automates animés me guident vers une haie d’hibiscus flamboyants, dont les fleurs aux dimensions surnaturelles se dessinent à contre-jour tel un découpage du Pays-d’Enhaut créé par une main artistique, cherchant à nous raconter une histoire. Par-delà la haie un chemin capricieux se déroule, serpente en lacets à travers la côte bordée de la forêt vierge. Chaque pas que je fais sur ce chemin réveille un étrange écho, les murmures du passé se mêlent au chuchotements du vent.
Sur les chemins de l’enfance je marche, le vent murmure à mes oreilles des secrets que seuls les enfants peuvent entendre, peuvent comprendre. Petit Poucet aux pas légers suivant les cailloux déposés par le temps ; chaque pierre témoin muet de mon passage porte en elle les échos des rires et des rêves qui ont imprégné mes sentiers tortueux, le temps des jeux, celui du saute-mouton effréné, quand mes pieds s’élevant au-dessus d’obstacles imaginaires me conduisent à la bergerie délabrée au plancher de bois vermoulu piétinés par des centaines de moutons espiègles et des bergers courageux. Des kilomètres à travers champs aux haies tapissées d’orties qui me chatouillent les jambes, de noisetiers aux trésors cachés, de muriers épineux dont chaque égratignure est le butin de mon aventure, n’ont pas raison de l’étonnement de mon regard sans lequel je me perds. Le haut de la colline est une invitation à la liberté, celle à me laisser rouler sans crainte dans les herbes, les cheveux s’éparpillant comme une tache d’encre sur une page vierge, pendant que ma tête se vide à chaque tour m’éloignant du monde des adultes en m’enveloppant dans une bulle d’insouciance ; mon corps en forme de tonneau continue sa course sans fin, sans jamais s’arrêter jusqu’au bas du pré où le ruisseau m’accueille de sa mélodie, me berçant de ses bras frais et réconfortants, une écrevisse au bout du doigt en étendard.
Ici, les vagues deviennent des portes vers le passé et les crevettes des gardiennes de mémoires perdues. Les feuilles bruissent, les oiseaux lancent des appels voilés de brume. Les senteurs mêlées de terre, de végétation et de sel marin s’entremêlent créant une atmosphère à la fois familière et étrangère. Mes pieds dans le sable mouillé s’enfoncent comme des explorateurs à la recherche de souvenirs engloutis prêts à resurgir à la surface de l’eau.
Terre et mer et forêt vierge
on sent on voit
vous voilà toute prête pour la proposition #9bis qui va dans doute faire écho à ce texte et au corps qui roule comme un tonneau jusqu’en bas du pré…
Plaisir de voir avec tes yeux, Raymonde et surprise heureuse à retrouver en écho à un autre texte le corps tonneau de l’enfant qui roule jusqu’en bas du pré.