C’est un jardin public, un parc – c’est le plateau des poètes – c’est le terrain de jeu de son enfance, sa première expérience initiatique de liberté. Petit portillon d’entrée en métal peint sur le côté, face à son immeuble. Juste la rue à traverser, rue peu fréquentée par les voitures parce que plutôt étroite. Accueil sur une petite place bordée de troènes et de millepertuis. Chemins de terre et de sable, plus loin les allées sont goudronnées, les arbres magnifiques, magnolias et acacias, sophoras du japon et sureau noir, micocoulier et cyprès chauve. Et enfin un lieu incontournable, le lieu de toutes ses transgressions : le monument aux morts. Il surplombe la descente en paliers qui mène au grand portail en fer forgé limite sud du parc. Au-delà du boulevard en bordure il domine la gare. Le parc comme lieu d’encrage, la gare, d’évasion. Les monuments aux morts ne sont pas tristes, ne peuvent pas être tristes. Quels qu’ils soient il les voit toujours comme terrains de jeux, les jeux de l’enfant qui se cache et court et grimpe et saute, le jeu des adultes qui sont tués sans avoir le temps de comprendre qu’il faut laisser ce jeu à ceux qui en profitent. Un parc, une gare, un monument aux morts, L’amour, les arrivées et départs, la mort, bal incessant dont le courrier témoigne. Tous les jours le petit facteur flirte avec ces trois images, il est témoin, il en témoignera dans ses récits.
Extrait du journal intime de Frank Falhaud
Extrait de l’année 2000
Aujourd’hui il y a du monde au 5 rue Niki de St Phalle. J’ai croisé Rose qui traversait pour aller dans le parc aux bras d’un homme plus jeune, certainement son fils, tandis qu’Alexandre leur faisait un signe de la main depuis le balcon et qu’un paon appelait Léon. Je pense à leur fils parce que la semaine dernière ils ont eu une lettre leur annonçant sa venue. C’est la première fois que je le vois. Il ressemble à Rose, pas à Alexandre. Il n’est pas très grand (même s’il est plus grand que moi). Il ne ressemble pas à l’image que j’en avais. Et ça me trouble … je me pose la question de savoir s’il faut donner une description précise de mes personnages ou laisser au lecteur le champ libre à son imagination ? Jusqu’où la description est-elle importante? Et pourquoi ? Il en est de même pour les lieux… à voir…
Maintenant le parc est devenu le Parc Beatrix Farrand, parc de fiction, où les souvenirs se mêlent à la fantaisie de son imagination.
J’aime l’idée de faire d’un monument aux morts un terrain de jeux. Peut-être que l’enfant ne comprend pas vraiment à quoi ça correspond.