Florida touche le cœur qu’elle avait gravé dans la molasse. C’est friable mais ça n’a pas bougé. C’est un cœur un peu grossier qu’un bout de branche avait dessiné, un bout de branche que la petite fille tenait de sa main et qui s’enfonçait dans le mur, montait puis redescendait, s’incurvait, recommençait le même geste de l’autre côté, à l’envers, les deux courbes se rejoignant soudain pour que ce soit un cœur, et Florida maintenant vieille a posé son doigt pile à l’intersection des deux courbes, à la pointe du cœur, et c’est froid. Le cœur de Florida, son vrai cœur dans sa poitrine, bat très fort. Elle retrace avec le doigt le contour du cœur dans le mur. C’est une courbe irrégulière, un cœur cabossé, c’est agréable au toucher, certes froid mais granuleux, c’est un cœur qui avait demandé du temps et qui en redemande. Florida tremble un peu en parcourant le contour de ce cœur. Elle pose sa paume à l’intérieur de celui-ci. Elle pousse. Comme si quelque chose derrière allait se révéler. Comme si ça allait s’ouvrir. Puis c’est la flèche qu’elle retrace, plus rapidement. Puis elle éloigne son doigt, reste figée devant le mur, devant le temps, devant le souvenir. Ce cœur, elle se souvient que c’était pour le petit frère mort et que ce petit frère mort, il est enterré là, à quelques mètres, sous les feuilles.