la main qui repose sur le drap blanc. doigts tordus par les gestes du métier, un peu repliés sur eux-mêmes qui savent sans doute encore serrer la cuillère, la fourchette, le couteau, la poignée d’une porte mais qui ne connaissent plus le dépli, ont oublié le plat de la main. et puis dans un effort inattendu le geste ralenti de la main raidie et du bras qui se hissent jusqu’à hauteur de visage. pour, dans un étirement des secondes qui suspend les souffles, caresser l’autre visage d’une main raidie oui mais non moins certaine dans la dérade même de ce corps qui répond si peu de cet esprit qui s’égare dans des territoires connus de lui seul, certaine donc de la qualité de ce geste. un geste ancestral dont elle n’a pas perdu la mémoire. un geste qui renoue avec la toute petite enfance. le geste de la mère à l’enfant. pour l’endormir, le rassurer, l’apaiser, essuyer une larme. geste qu’elle a reçu et puis qu’elle a donné à son tour. et puis c’est le chemin inverse tout le corps le visage concentrés les yeux fermés dans l’effort dans le geste de baisser le bras et de reposer. le bras. la main. sur le drap. et la main à présent qui repose à nouveau sur le drap blanc. pas toute entière : le bas de la paume et le bout des doigts. raidis par les gestes de métier les chagrins renfermés les douleurs ravalées. la main vieillie ridée un peu brunie tachée et incroyablement douce dans les petits creux des phalanges une feuille de papier de soie cette peau. tellement fragile.
Dans cette proposition, c’est le geste qui m’a plu. En face, - j’ai un peu « triché » - non pas un objet mais le corps. La main. Main geste geste main. Autre piste à écrire pour cette proposition : dans la maison abandonnée, la tasse à café (l’objet) et ce geste tout aussi essentiel – ou plutôt ces gestes- qui consiste pour Lili à préparer et verser le café pour cette écrivaine de carnet venue la débusquer dans sa fiction de fugue. Et là encore un don. Et derrière cette fois : l’hospitalité. Et puis un rythme différent. Avec Lili ça papillonne.