#été2023 #08 | Bris de verre

L’autre jour, à l’arrêt où elle a attendu le bus pour se rendre dans le centre-ville, une des parois en verre de l’abribus était brisée en myriade d’éclats sans qu’aucun d’eux ne se soit dissocié du châssis ou de la plaque elle-même. Elle s’est dit que ce genre de vitre devait être doté d’un film de protection permettant d’éviter qu’en cas de bris les morceaux se détachent partiellement ou se répandent au sol risquant d’occasionner des blessures. Elle s’est approchée. Devant ses yeux se dessinait toute une géographie de fragments disparates, comme savamment juxtaposés pour former une mosaïque où le soleil venait buter et repartir dans toutes les directions. Au plus près, les bords irréguliers des tessons, à certains endroits, ressemblaient à un enchevêtrement de fils de couleur grise pareil à une trame de métal aux arabesques géométriques qui lui évoquaient des têtes d’oiseaux, des parties de visages, de face ou de profil, des yeux, des bouches ou encore des écailles de poissons, des boomerangs, des cerfs-volants, des oiseaux qui traversent le ciel matinal ; à d’autres leur orientation les transformait en miroirs de quelques millimètres de largeur reflétant en forme longiligne les bâtiments alentour. Elle s’est dit que seul un œil myope comme le sien pouvait percevoir ce genre de détail. Quant à l’ensemble lui-même, il offrait une image fractionnée dont chaque pièce, disjointe, constitue une image à part entière comme celle, isolée de ses voisines, où l’on aperçoit une forme ovoïde en verre dépoli surmontée d’une sorte de tiare ajourée de couleur sombre avec à son sommet un petit rectangle sombre également. Les deux morceaux de verre juste au dessus montrent que l’ovoïde est attaché à ce qu’on devine être un câble lui-même arrimé à une surface verticale se découpant sur fond de ciel bleu. Côté opposé de la représentation ainsi créée par la plaque de verre éclatée, d’autres bâtisses à contre-jour, dans les fenêtres desquelles vient briller un soleil naissant orangé et doré, sont parcourues, comme découpées, par les stries ondulées des brisures du verre où miroitent le bleu du ciel et les nuages.

A propos de Catherine K.

Mon nom complet est Catherine Koeckx (prononcer Kouks). Citadine depuis toujours mais avide de nature et de grands espaces que je partage par la photo ou l’aquarelle (www.catherinekoeckx.be), je suis aussi passionnée par la ville (@bruxelles_autrement). Bruxelles mais pas que... J’ai publié Le Guide lovecraftien de Providence en 2021 (disponible sur Amazon.fr ou sur commande privée). Je viens de lancer mon blog littéraire Itinéraires pluriels (https://itinerairespluriels.wordpress.com).