En fait, ils sont rarement dehors. Ils vivent dedans à regarder par la baie vitrée l’horizon de leur dispositif occultant. Même le linge, ils ne l’étendent pas dehors, ils lavent leur linge en famille. Que fait-elle là dehors, saisie par la google car, penchée sur son pulvérisateur, bleu comme sa salopette, prête à agir. Désherberait-elle devant sa porte ? Une exception, pas le souci du propre, le fait de quitter l’enclos. Ah si, un monsieur avec son coupe bordure, un autre qui nettoie un parterre et cette femme qui met des feuilles dans un grand sac. Des isolés, des solitaires, personne qui parle à son semblable. Cela doit bien arriver quand même. Sensation d’une grande solitude.
Ils sont difficile à observer, jamais personne, jamais dehors. Je connais mieux leurs voitures et leurs poubelles que leurs têtes. C’est le soir le meilleur moment quand ils sortent les chiens, toutes sortes de chiens, des grands, des petits, des gris des roux, des noirs et blancs, des tout noirs, des tout blancs, des poilus, des rasés, des gros,des maigres, des commodes et des moins, au bout d’une laisse ou en liberté, au pied bien sage ou filant devant ou trainant derrière à pisser et à renifler. Monsieur, parfois Madame, rarement en couple. Comme les chiens se saluent amicalement ou non, les maîtres n’y échappent pas. Une grande sociabilité règne à l’heure des chiens, un souffle d’humanité à travers la société canine. Sinon, ils sortent peu. et les crottes, ils les laissent dehors, puisque c’est dehors dans l’espace public, pas tous, presque tous. Pas chez eux. Chez soi, c’est différent. Dedans, dehors.
Ils sortent peu. Sauf les sportifs et les sportives, marcheurs, coureurs, joggers, cyclistes qui saluent dans un souffle, trop loin de leur base pour une observation in situ. Plus rapides que les animaux sauvages. Ils ne font que passer. Restent les promeneurs d’enfants en poussette, plus lents, moins éloignés du gite, souvent avec le chien pour faire d’une pierre deux coups.
Même posté de longues heures, on ne les voit guère. ou alors des étrangers, un livreur, un isolateur de comble avec son long tuyau. Pas vraiment l’ambiance d’un lieu densément habité. Un grand vide, une absence de vie. Le salon de jardin, le bord de la piscine, la terrasse, ils y font des apparitions furtives. Ça manque d’ombre. Pas de grands arbres, pas de sieste à l’ombre des grands arbres. Parfois une fête tardive, un repas de famille. Presque aussi rare que de surprendre sur un accouplement de renards. Les amoureux de la nature me comprennent. Dans la journée, ils s’en vont, l’été ils s’en vont, la nuit ils dorment, tout dort. C’est l’heure des chats et autres maraudeurs. On les voit partir ou rentrer. Ils sont difficile à observer. Le facteur est le seul qui les connaisse par leur nom et qui ait une idée de leurs mœurs. Ce qu’ils lisent, à quoi ils sont abonnés, ce qu’ils achètent.
Ils n’aiment pas qu’on les observe dans leur terrier. Comment font-ils sur des plages bondées, dans les encombrements des routes, en croisière sur des bateaux surpeuplés ? Ils s’en plaignent. S’ils étaient seuls, je crois même qu’ils auraient peur.