Je n’ai pas assez parlé de cette odeur qui m’est un jour venue et qui ne m’a plus jamais quitté. Une odeur évanescente, pure, insaisissable, immobile que je retrouve aujourd’hui sur le rebord de la fenêtre exactement comme s’il s’agissait d’un rendez-vous manqué. Une odeur sans nulle autre pareille qui, telle une fidèle amie, vient prendre de mes nouvelles et vérifier si elle est toujours aimée. Une odeur qui n’existe pourtant plus que dans mon souvenir et que j’aime rappeler à moi de temps à autre.
Une odeur infime et intime.
Une odeur qui suscite l’envie et la vie.
Une odeur que rien n’entache, n’entame ou n’enlace.
Une odeur libre.
Même si elle se laisse parfois oublier, elle sait que j’ai besoin de la vivre. Il me suffit alors de l’appeler pour m’en rappeler.
Aujourd’hui, je la sens tout près de moi, près de la fenêtre qui donne sur le jardin. L’air transparent semble l’avoir emprisonné comme une goutte suspendue dans un temps qui ne veut pas mourir.
Les odeurs ont cette incroyable faculté de rendre la mémoire concrète, vivante. Elles nous font pénétrer dans un passé qui ne s’oublie pas et qui se vit.
Près de la fenêtre du salon abandonné, je me surprends à vouloir la saisir, l’avaler, l’embrasser, l’enlacer, la pénétrer pour que plus jamais elle ne m’échappe. Je veux la revivre, la respirer et la désirer avec encore plus de force que cette nuit de juillet où je l’avais senti arriver avant même qu’elle ne descende. Cette nuit-là, elle était entrée dans la pièce et en moi dans un bruissement presqu’imperceptible. Cette nuit-là, elle s’était imprégnée dans mon corps pour ne plus jamais me lâcher. Cette nuit-là, je l’avais épousée.
Je m’approche pour la humer, je m’accroche pour ne pas tomber, je ralentit, mon coeur bondit. Elle est là, à mes côtés. J’entends son rire lointain, je vois sa robe blanche, je sens son regard. Je ferme les yeux sur le vide. Elle ne me veut plus, je ne la sens plus. Elle s’est volatilisée, envolée, échappée. Définitivement.