Je n’ai pas assez parlé de cette odeur. Quand je me suis réveillée ce matin, la tête lourde du manque de sommeil, elle était là, tapie dans un coin de ma tête. Machinalement, encore pelotonnée sous la couette, j’ai humé l’air, comme s’il allait par magie la faire pénétrer dans mes narines et la diffuser dans la pièce. Je me suis demandé d’où me venait son souvenir, pourquoi ce matin je me suis réveillée avec lui. C’est une odeur-réminiscence, une odeur-évocation. Certains lieux en sont imprégnés, elle fait partie d’eux et d’autres, alors qu’a priori on croirait l’y rencontrer, en sont totalement dénués. J’ai repensé à ma visite chez le Docteur T. et me suis demandé pourquoi. Je me suis demandé aussi si j’étais la seule à connaître cette odeur, si elle était plutôt de nature subjective, liée à mes propres souvenirs, à des objets qui se trouvaient dans certains lieux, à des situations que j’avais vécues et qui impliquaient certaines odeurs précises constituant dans mon souvenir comme un faisceau composé de différentes senteurs que j’associais au passé. Ou si elle était plus définie, comme par exemple une odeur de clinique associée à des produits utilisés jadis. Difficile de se remémorer cette odeur ou quelque autre odeur que ce soit. J’en suis bien incapable. Evoquer des lieux du passé ne suffit pas à la retrouver. Comme la maison de cette très vieille dame où j’ai accompagné ma mère en visite une ou deux fois le mercredi après-midi lorsque j’étais enfant. L’odeur y était, je le sais, tout comme dans l’appartement de ma grand-mère où je suis èretionituations que jcomme dans l’ deux fois le mercredi aprè!r. Quoi de plus volatile et éphémèretionituations que jù je suis allée régulièrement. Ce matin j’ai repensé à ma visite chez le Docteur T. et maintenant je comprends pourquoi. Quand je me suis retrouvée sur le trottoir après ces deux heures passées chez lui, au-delà du sentiment étrange que m’a laissée cette entrevue, au-delà de la réussite de cette décoration et de sa capacité à transporter le visiteur dans le passé, quelque chose manquait, quelque chose qui rendait la reconstitution moins abstraite, moins semblable à ce qu’on peut voir dans une revue de déco et en même temps quelque chose que jamais aucune photo ne pourra restituer. Ce qui manquait, c’était cette odeur, cette odeur dont je n’ai pas assez parlé et dont l’absence s’est fait sentir dans cet appartement hors du temps. L’odeur qu’il y a là, même si quelques objets sont anciens, c’est l’odeur des matériaux d’aujourd’hui, des objets d’aujourd’hui, c’est l’odeur du neuf. C’est le présent qui s’est immiscé dans le passé.