Le funérarium
Ici la mort s’avance avec pudeur. Le corps est apprêté, préparé, vidé de gestes de mouvements de chaleur de bruits. Et d’odeur. L’odeur de mort, de décomposition, celle qui prend à la gorge au détour d’un chemin, d’une route, d’un sentier en forêt, aux abords d’une charogne, cette odeur-là, elle restera dans le clos du cercueil, traversera les veines du bois avant d’être retenue dans le clos de la chape de béton. Rien ne transparaitra pour les vivants. C’est une affaire intime. Au funérarium, la mort n’a pas d’odeur.
La maison de retraite
C’est l’odeur de la chambre qui lui a fait pressentir que quelque chose n’allait pas, que le corps partait en dérade. Elle fermait les yeux très fort pour fourrer son souvenir dans le cou parfumé de sa grand-mère si élégante. Ici, elle disait, ça sentait le vieux quand elle était morose et qu’elle voulait faire du mal à sa mère. Mais intérieurement, elle avait peur, peur de cette odeur avec laquelle elle ne savait pas trop comment faire, comment la chasser, comment retrouver la petite cuisine, les embruns, le soleil, les crêpes, les crèmes de jour et les crèmes de nuit. Elle partait en apnée dans les souvenirs en attendant de pouvoir faire face.