C’est fou comme c’est léger. La grand-mère a fini de creuser. Elle pose le petit corps par terre. Florida à côté regarde, bouche ouverte. La grand-mère observe les deux enfants, le mort et la vivante. Il faut le préparer, on ne peut pas l’enterrer comme ça, presque nu, dépenaillé, crasseux. La grand-mère sort un mouchoir de sa poche et le tend à Florida, qui s’applique. La peau est très blanche, très froide, dure. Florida frotte. Il faut y aller plus fort. Florida n’ose pas, elle a peur de lui faire mal. Il ne sent plus rien maintenant. Le mouchoir nettoie les jambes, le ventre, les côtes qu’on peut compter, le cou, le menton, le visage. Il faut le coiffer. Les cheveux résistent. Ça n’est pas grave. On va chercher un pantalon, une chemise. Pas besoin d’enlever les chaussettes, ça ira comme ça. Florida boutonne la chemise jusqu’au dernier bouton. Elle pose sa main sur le visage du petit frère, à qui la grand-mère a fermé les yeux. C’est doux. C’est glacial. C’est propre. Alors la grand-mère le pose dans le trou. Elle fait un signe de croix. Florida l’imite. Elles disent un je vous salue, se signent encore une fois, et la terre vient salir le petit visage de l’enfant mort, couvrant d’abord le pantalon, puis la chemise, puis le visage à nouveau terreux, parce que vivant il n’était jamais propre, ce visage, et que mort le revoilà sale, mais déjà il n’est plus là. Le trou est refermé. On remue un peu les feuilles mortes. Il n’y a plus de corps.
« et la terre vient salir le petit visage de l’enfant mort, couvrant d’abord le pantalon, puis la chemise, puis le visage à nouveau terreux, parce que vivant il n’était jamais propre, ce visage, et que mort le revoilà sale, mais déjà il n’est plus là. Le trou est refermé. On remue un peu les feuilles mortes. Il n’y a plus de corps. » Magnifique . Merci.
C’est glacial et d’une cruauté abyssale. Que se passe-t-il dans la tête de Florida, de la grand-mère et surtout de l’autre enfant ? Je frémis d’horreur et d’empathie à cette lecture …
« et la terre vient salir le petit visage de l’enfant mort, couvrant d’abord le pantalon, puis la chemise, puis le visage à nouveau terreux, parce que vivant il n’était jamais propre, ce visage, et que mort le revoilà sale, mais déjà il n’est plus là. Le trou est refermé. On remue un peu les feuilles mortes. Il n’y a plus de corps. » C’est terrible, je reste sans voix
la figure de l’enfant mort nous sidère, nous bouleverse, donc c’est terrible forcément… et cette figure d’enfant mort a poursuivi toute mon enfance et toute va vie, alors je lis et je ressens dans mes veines comme une brûlure, et pourtant encore le corps est toujours là même sous la terre, effacé…
Une écriture tenue pour dire la mort de l’enfant. Les gestes vains et nécessaires : le nettoyer ce corps pour le salir à nouveau et le faire disparaître. C’est fort.