Il y a le poème de Rumi que je n’ai pas retrouvé. Il dit « ne dors pas ». Et d’autres poèmes aussi de celui-là, on dit : des poèmes de lutte. Il dit « vienne le marteau de notre sang sur l’enclume de la vie ». Il parle de lierre, il parle de ronce, de ce qui enlace, s’enchevêtre, se diffuse, se noue, se tisse, envahit, s’agrandit, se rejoint, s’écarte, se déploie. Il parle de cela. Il y a le poème de Rumi. Il dit « lorsque le cerveau se dessèche… » Il y a le poème de l’autre là qui dit « mon pays est lourd et mouvant comme la mer ». Il déambule dans la pièce avec sa démarche de chat, il tourne la tête, il a le regard rieur du jeune garçon aux pampres de Carpeaux, un regard en coin, la nuque baissée, le visage qui se relève, comme une page que l’on soulève et que l’on corne, le visage qui vient du fond de la nuque, reste alors quelque part, une ligne, un souvenir plissé. Il est en biais, en diagonale, penché, en déséquilibre léger. C’est le plancher peut-être qui oscille. Il est ramassé toujours, prêt à bondir et tout autant à étreindre, à s’écouler, à s’endormir. C’est l’électricité et les eaux lourdes. Il se tient droit aussi et il se penche et sa tête oscille. Il est flou et vise juste. Il est diffus et massif. Il est inquiet. Dans le sommeil, il crispe la mâchoire et les rides légères se creusent à son front. Il est enfoui. Même nu. Dans quelque chose, quelque part, sous mille couvertures. Et son sommeil derrière les lèvres roses et tendres, derrière les lèvres entrouvertes… corps alangui sensuel, écrasé, les mains ouvertes et vides, les fesses pleines, les cuisses larges, le pied animal, le torse offert… et son sommeil, a des profondeurs de gouffre.
Je ne suis pas sûre d’avoir tout compris mais je garde une forte sensation d’entrelacement, citations tissées dans le flux des phrases, dans le corps de ce beau texte
J’ai mélangé des bouts de trucs parce ce que je ne savais pas comment commencer, des bouts de Rumi, un poème assez extraordinaire rythmé par une phrase « ne dors pas » et des vers de Paol Keineg, assez rayonnants également.
C’est beau, ce corps, ces corps en ombre diffuse et très présent·s. Tant de fluidité, bravo !
Je n’avais aucune inspiration pour suivre la consigne, il fallait décrire un geste et c’est une silhouette qui s’est présentée pour ainsi dire une chorégraphie.
C’est un texte fort qui nous percute. Et cette phrase: « le visage qui vient du fond de la nuque… ». Superbe!
Il faut aller regarder le rieur aux pampres de Carpeaux, c’est une façon de tourner la tête qui dégage une ironie moqueuse pleine de grâce
https://www.youtube.com/watch?v=jwWrOhVK2Co
on sent sa présence physique sans pouvoir le décrire et c’est ça qui est fort
Merci Catherine, ce n’est pas ce poème c’est un autre mais je ne trouve plus mon recueil. « De cette peur de la secousse qui fait fondre la pierre en eau / si toi tu n’es pas une pierre / garde souvenir et ne dors pas ». Malheureusement je ne le connais pas par coeur.
C’est très beau.
(il y a les poème de Rumi, et puis ceux de « l’autre là » que vous ne nommez pas, comme il arrive parfois qu’on fasse, en pensée ou en parole, Paol Keineg, peut-être parce que son nom à cet instant vous échappe.)
« Il est enfoui. Même nu. Dans quelque chose, quelque part, sous mille couvertures. »
Merci Véronique, je découvre aussi vos textes que j’aime beaucoup
Le corps du sommeil paradoxal. Vous le décrivez bien et poétiquement : « Dans le sommeil, il crispe la mâchoire et les rides légères se creusent à son front. Il est enfoui. Même nu. Dans quelque chose, quelque part, sous mille couvertures.[…]et son sommeil, a des profondeurs de gouffre.
Passer par le poème pour parler du corps est une belle idée.
ha oui, c’est vrai, je n’avais pas pensé au sommeil paradoxal, mais il est là en effet… le poème a servi d’initiateur disons, de lanceur.
« Il est enfoui. Même nu. Dans quelque chose, quelque part, sous mille couvertures. »
Que j’aime ce genre de phrase, Marion ! La dernière, sur les profondeurs de gouffre, en devient superflue.
C’est pas faux, un peu ronflant peut-être
« le visage qui vient du fond de la nuque » (j’aime énormément, ça bouge, ça fait zoom)
C’est l’air mutin par en dessous du rieur aux pampres que l’on retrouve ici en fin de texte avec ce même mouvement https://www.tierslivre.net/ateliers/ete2023-01bis-je-sais-pas-quoi-faire/