Vous partez en vacances avec votre frère chéri et sa femme. Vous n’allez jamais bien loin. Le village s’appelle Faremoutiers. Il se trouve en Seine-et-Marne. Je ne connais pas le nom de ces petits formats carrés, noir et blanc, que les labos tiraient sur papier brillant aux bords dentelés. La maison est une ferme. Il y a des balles de foin, une grange, un puits. C’est l’été et puisque la guerre a annulé les voyages et que vous avez quitté l’Europe en 46, l’image, la première, ne peut avoir été prise que dans les années 1930. Vous portez un bermuda clair, une chemisette sombre. Vous brandissez un chapeau de paille. C’est comme un au-revoir sur un quai de gare, un signe, un appel. Vous anticipez le souvenir. Sur l’image, la première, vous devez avoir 30 ans. C’est sans doute votre frère chéri qui a pris la photo. Êtes-vous joyeuse, ivre, fatiguée, soucieuse ? Vous souriez comme on sourit sur les images de vacances, heureuses ou pas, juste pour envoyer vers l’avenir la trace du bonheur attendu. Sur l’image, la première, vos cheveux sont noirs, lisses et longs, et le plus étrange, à regarder à la loupe l’image, c’est que vous m’apparaitrez la même, 45 ans plus tard, sur le frontporch de Detroit, insensible au temps, gracieuse Américaine de convenance, nous accueillant un chapeau de paille à la main, comme si Faremoutiers était la porte à côté et le temps qui vous en séparait une simple question de point de vue.
joli bond dans le temps, simple et sans à coup
Effets comparatifs, la présence est la même.Et on ne sait toujours pas de qui elle est faite.L’avenir recèle de suppositions.
oui mais outre le chapeau de paille et les cheveux noirs… cette relation au frère chéri ? pistes ouvertes…