Il y a celui qui, les bras en l’air, brandit les pancartes à questions.
Il y a celui qui tourne le dos, qui détourne le regard.
Il y a celle qui est masquée, une cuillère à la main, une casserole dans l’autre pour toute arme.
Il y a celui qui descend du camion, flexion des genoux, atterrissage en souplesse et en rythme.
Il y a celle qui lève les bras au ciel et frappe en cadence.
Il y a les foulards colorés, les sacs à main, les sacs à dos, les bananes plaquées le long des corps en sueurs.
Il y a la peau qui luit dans l’effort, les muscles qui se tendent, les bouches qui s’arrondissent.
Il y a celui qui avance une main devant lui, pour arrêter les questions.
Il y a des boucles d’oreilles et du rouge à lèvres, il y a des cheveux ramenés en couettes au-dessus de la tête, il y a des bijoux colorés aux poignets.
Il y a celui qui se protège, gilet pare-balles, chemise de camouflage, bien campé sur ses deux jambes, les deux mains serrées sur l’arme barrant sa poitrine.
Il y a les chants et les poings levés, il y a les cheveux gris, les bouches rouges, les ongles bleus, les poitrines tatouées de mots.
Il y a celui qui ferme les yeux.
Il y a la fumée des lacrymogènes, il y a les gorges qui piquent, les cris de colère.
Il y a celui qui ne veut pas voir, qui préfère ne pas savoir.
Il y a les poings liés dans le dos.
Il y a des casseroles trouées à force de taper.
Il y a les seins à l’air, les bouches masquées, il y a les yeux bandés,
Il y a des hommes en position de combat sur les toits de camions, fusil en main.
Il y a des poubelles enflammées, il y a des foulards autour de la bouche et du nez, il y a des visages éborgnés.
Il y a la lumière jaune des fumées, la foule qui s’empare des rues, les buchers improvisés aux carrefours emblématiques,
Il y a de grands gestes de bras, il y a des mains écartées, il y a des regards blasés et immobiles.
Il y a des protections improvisées, de la tôle, des barricades de bric et de broc.
Il y a des tanks qui roulent sur la ville.
Il y a des bras nus et au-dessus des têtes, il y a le ciel bleu de l’été.
Il y a les silhouettes fantomatiques qui marchent sur les toits de bus calcinés.
Il y a des jets d’eau contre les manifestants.
Il y a des victimes bras en croix, en attente de leur châtiment,
Il y a ceux qui obéissent aux ordres.
Il y a des balles perdues, des accidents malencontreux.
Il y a du sang qui coule, il y a des vies qui s’arrêtent.
Il y a les murs qui tremblent et le sol qui se dérobe.
Il y a Santiago qui brûle, Santiago à la colère tonitruante, il y a la fin d’une époque et la joie d’une nouvelle ère.
C’est bizarre comme ça me rappelle des souvenirs de loi travail – ni loi ni travail – « réforme » des retraites – zad de Notre Dame des Landes – Sainte-Solines ou ce barrage de Sivens où Rémi Fraisse a trouvé la mort – il y aurait ici, en France, une amorce (depuis plus de vingt ans…) de régime fasciste du genre de celui du Chili 1973 ? (ton texte est magnifique en tout cas…). Merci à toi
Piero, c’est la crise de 2019 au Chili, je ne sais pas si c’est comparable à ce qui se passe en France. Un ras-le-bol général sûrement. Merci de ton message.
Beau texte que cette foule. Merci
Merci Elise
Comme une succession de photographies prises sur le vif. Arrêts sur image. On y est.
Oui Sybille, ce sont des photographies, la mémoire des images. Merci de votre commentaire.