Je trace les contours du modèle qui pose nu au milieu de nous, je suis l’une d’elles et je le regarde intensément, au centre de l’atelier, il me tourne le dos la plupart du temps, je trace les formes que je vois, je n’interprète pas, je trace et je repasse les traces, je fais les correspondances entre ce que je vois et ce qui se dessine sur le papier, je gomme, je suis intimidée par la beauté de ce corps nu offert à mon regard. Il est là et je dois en tracer les formes sur le papier. Je ne me laisse pas aller à la rêverie, je trace les contours et repasse, entre deux poses il s’entoure de ses objets, un joli peignoir japonais et une ceinture à nouer, il ne regarde pas les dessins de son corps nu pendant les pauses, il ne parle pas beaucoup non plus, je suis émue par ses postures déliées, travaillées, complexes, il exprime tant par son corps et si peu par ailleurs que je me demande les liens qu’il entretient avec lui-même. Mais je ne suis pas là pour le penser. Juste pour tracer son corps sur le papier. Et je plonge dans mon geste, je trace et je ne vois plus le temps passer, je repasse les traits déjà faits sur le papier, je pense préciser et je me rassure, je l’enferme dans ses contours et je repasse mes traces. Je repasse ce corps si beau qu’il m’effraie, et dans ma frayeur, je continue le temps qu’il me reste à tracer l’enfermant toujours plus dans ses contours, je néglige l’intérieur de son corps et me protège de ce que je ressens, je suis là pour tracer.
Tracer, repasser les traces, enfermer dans ses contours un « corps si beau qu’il m’effraie », une belle approche et un beau texte !
Un jeu de distances dans la tête de l’artiste. On attend que le crayon se libère de la trace mais le corps reste enfermé. J’aime beaucoup.
La fascination du modèle et la vitre incassable entre le crayon et la vision hyper sensuelle. C’est bien rendu. On devine le trouble et l’asymétrie relationnelle. Le corps nu et beau laisse des traces sur les rétines. Le dessin ne fait que ses contours et c’est un peu frustrant, ce n’est pas une corbeille de pommes de Cézanne.
juste tracer le corps sur le papier, les courbes, les formes si belles, troublantes
ce corps qui n’a pas de mots, ce corps qui demeure inquiétant, le corps enfermé à l’intérieur de lui-même, finalement c’est elle qui l’enferme dans ce qu’elle croit qu’il est…
Beau et troublant, comme ce corps… merci Marie.