Il ne faut pas qu’il s’échappe, m’échappe ; ce corps porté comme le trophée d’une victoire sur toutes ses défaites, un étendard, le sexe pointé, une direction, une flèche. Posté entre la salle de massages et sa chambre, je l’ai poursuivi capturé par le peignoir vert de toile épaisse, alourdi imbibé par l’huile, imprégnée comme la mèche d’une lampe à pétrole, le long de son corps luisant et moite de chaleur humide, ça s’écoule. Je suis l’invisible de ce qui se voit, à la recherche de ce qui se cache, je ne m’attache pas aux apparences qui pourtant éclairent ce qui colle à la peau en-dessous du trafic de la beauté. Le peignoir vert enfin tombé à ses pieds comme un geste à l’élégance empruntée, il respire de ne pas avoir été vu en ce fagotage et sourit à sa virilité. De ses mains fines et soignées il défait le foulard qui enveloppe ses cheveux noirs épais aux frisures dissipées, ils se déploient sur ses épaules sculptées par les heures consacrées au panthéon du fitness. Je croise dans le miroir aux alouettes son regard inquiet avide de perfection. Il lui faut croire, il est entré en religion du corps, un culte, une obsession ; se plaire, leur plaire. Vite une douche chaude pour retrouver sa peau imberbe souple lisse qu’il tamponne délicatement de son linge éponge à l’odeur de jasmin. Étendu sur ses draps frais, le ventilateur souffle sur lui un vent triomphal. Et n’a-t-il pas à l’aube honoré Ganesh au temple… Là sur sa chaise préparés avec soin sa tunique en pure lin blanc et son dhoti blanc taillé sur mesure, il sent le plaisir l’envahir, ses yeux trahissent une excitation il en reconnait la saveur. Il se lève passe son pantalon sa tunique, un chignon relève ses cheveux soyeux, ouvre la porte se laisse envelopper par l’air encore frais du matin. Déjà, sur le patio elles l’attendent pour le cours de yoga.
Intéressant, peut-être un poil chargé en adjectifs parfois à mon goût, mais il y a je suppose l’envie de produire du capiteux et du lourd, de la chair qui se repaît d’elle-même, et ce capiteux là est bien restitué.
Merci pour votre commentaire, intéressant
C’est un commentaire très subjectif, cela dépend du goût de chacun, disons que chaque terme est souvent doublement, triplement caractérisé. Ce ne sont pas forcément des adjectifs à proprement parler d’ailleurs. La peau est souple, imberbe, lisse, les mains fines et soignées, les épaules sculptées. Chaque mot est un petit sapin décoré de multiples boules de Noël, comme dans un intérieur très foisonnant. D’autres écritures laisseront plus de place à l’abrupt, à la suspension ou à la suggestion en laissant le mot ouvert sans caractérisation particulière ou en caractérisant de manière implicite, en décrivant une action, c’est parce qu’on sait que le bras bouge de telle ou telle façon qu’on le devine sculpté. Ce n’est pas le choix qui est fait ici. Écriture croquis ou écriture peinture, écriture visuelle ou plus en mouvement. Les choix sont multiples.
culte du corps lavé bombé dessiné huilé
peut être contradictoire avec la vérité d’un prof de yoga (?)
amitié vers vous, Raymonde, et bravo pour tenir ce fil étonnant…
Merci Françoise… Le corps est huilé – avec des huiles aux plantes, racines macérées pour chaque profil – pour le massage ayurvédique c’est l’unique thérapie pratiquée dans ces centres, l’huile sous toutes les coutures, bains, massages du corps, goutte à goutte sur le front, les oreilles, les yeux, le nez et tous les participants en bénéficient, le prof de yoga également, l’un n’exclut pas l’autre, sauf que lui ne se montre pas en peignoir taché d’huile, question esthétique… Ceci dit les paradoxes et contradictions ne manquent pas dans nos sociétés. Bien à vous.
Perfection du corps et faille de l’esprit pour ce prof de yoga on dira alors. Pour continuer vos échanges à toutes les deux, Raymonde et Françoise. Quel intérêt d’écrire sur tout zen partout ? 🙂 Beau, merci Raymonde