Je n’avais pas encore mon Diplôme, donc c’était avant 2018. Ce n’était pas en Écosse, donc c’était avant 2017. 2016 ? Probablement je dirais.
Ça faisait deux ou trois jours. Et croyez-moi ou non, j’étais soulagée. C’était au milieu du dos. En-dessous des omoplates, du côté droit. Quand je suis arrivée chez mon quatrième psy en partant de la droite, au fonds à gauche, sous les crocus, derrière l’abri-bus, je me suis assise et je lui ai dit :
« J’ai mal dans le dos. »
Il a plus ou moins souri en mode « Ah bon ? mais quoi qu’est-ce-que c’est… ? »
« C’est bizarre. Je sens une douleur…d’avant. Je sais que ce n’est pas possible, pourtant je la sens et je la reconnais surtout, je sais exactement ce que c’est, mais c’est impossible. »
Il a encore souri. Ce qui m’a rassuré, alors j’ai pu continuer.
Quand elle voulait punir l’un d’entre nous, toujours deux par deux, c’est plus facile à contrôler, elle demandait à la deuxième partie du binôme d’aller chercher l’outil dans l’armoire. Je formais le binôme avec mon frère, peut être en avait-elle décidé ainsi simplement par le jeu des naissances, ou par la ressemblance, ou. Je me souviens d’une fois où elle m’a demandé à moi d’aller chercher l’outil dans l’armoire pour mon frère. Je ne me souviens pas d’autre occasion, mais celle-là, je m’en souviens. Je monte les escaliers, je ne suis pas sûre de les avoir comptés cette fois-là. Je me souviens de l’armoire ouverte et des outils pendus sur un fil le long de la porte. C’était à moi de choisir. J’aimerais écrire que j’ai choisi la plus petite, parce que j’étais « gentille ». J’aimerais écrire que j’ai choisi celle avec la plus grosse boucle, parce que mon frère avait dû me faire une crasse juste avant. Mais La Vérité, c’est que je ne m’en souviens pas. Mon souvenir s’arrête à cette porte, ce fil, et ces outils pendus. Je ne sais pas lequel j’ai choisi. Je ne me souviens de rien d’autre que de cette porte, ce fil, ces ceintures.
« C’est une boucle de ceinture. J’ai une boucle de ceinture dans le dos. Je sais que c’est impossible, mais je ne peux pas me tromper de sensation. Je vous jure que ça fait deux jours que je sens cette boucle de ceinture dans le dos. Enfin, pas la boucle, la sensation qu’elle m’a laissée quand. »
Et croyez-moi ou non, j’étais soulagée. Je ne sais pas, je ne me souviens pas, je ne veux pas me souvenir de quand, pourquoi, comment cette impression précise là. Un anniversaire ? Le sien ? Celui de sa mère, qu’au passage je n’ai jamais connu. J’ai d’ailleurs encore du mal avec sa date de mort. Quelque part en décembre.
Et croyez-moi ou non, j’étais soulagée.
Il y a quelque chose, là. J’en suis persuadée. Pas convaincue parce que je n’ai pas les arguments scientifiques imparables nécessaires. Mais persuadée. Ça, c’est sûr. Tous les matins je remonte mon caillou en haut de la colline, pour le voir redescendre tous les soirs. Mais il y a quelque chose, là. J’en suis persuadée.
Terrible… et on veut bien croire au soulagement
je prends « terrible » dans son acception anglaise, humeur du jour. Merci…