Les gestes sont furtifs, et le regard fuyant, tout en elle est ramassé, contenu, comprimé. Elle semble dans l’attente, comme le proverbe le dit, que la terre sous ses pieds s’ouvre et qu’elle puisse y plonger, elle est sur le départ, sur la lancée, elle marche comme on marcherait sur un fil, ténu, elle se retient toujours de se laisser tomber, laisser tomber son corps contre le sol, et ne plus se relever. Sa démarche crée un effet étrange comme lorsqu’on soulève une bouteille qu’on croit remplie et qu’on découvre vide, ce moment de flottement où la force du bras se retrouve désarmée, où le bras semble flotter, où on a l’impression d’avoir manqué quelque chose, c’est cela exactement, voilà sa démarche, elle marche comme si elle pesait une tonne alors qu’elle est aussi frêle qu’une feuille de papier. Ce décalage entre ce qu’on voit et ce qu’on pensait voir, entre ce qu’elle est, et ce qu’elle a l’air, dérange l’œil, sonne faux.
Elle marche rapidement, les yeux fixant un point au loin, les mains accrochées à son sac, son corps entier accroché à lui, comme une béquille, elle regarde droit devant, évite les obstacles au sol sans les voir, des mouvements réflexes, habituels, de sa main libre, elle réajuste sa frange, plusieurs fois, bien plus de fois que nécessaire, elle parcourt le trottoir sans heurts, survole les crevasses, les plaques d’égout bancales, les ordures qui jonchent les pavés, qui semblent en sortir, comme quelques herbes heureuses qui trouvent vie entre des pierres, elle dévale la pente, habituée, ses pieds reconnaissent chaque parcelle, chaque dénivellement hasardeux, elle avance.
deux descriptions saisissantes. mais j’ai l’impression que ce sont 2 personnes différentes. je me trompe ?
sinon, permets moi de te signaler que l’adresse de ton profil ne fonctionne pas…
https://lamyaygarmaten.com/
Oui, ce sont bien deux personnages différents, que j’essaye de caractériser. Merci ! Ah oui, je n’en ai pas encore parlé à F, je vais voir 🙂