Elle avait fini par s’endormir et s’était retrouvée enfermée dans une petite pièce cubique, des cubes encore, comme des cellules de prison. Sur les murs des colonnes de chiffres. Combien a pu lui coûter un tel appart, combien ? 300 000 € ? 400 000? Non ! Au bas mot 500 000, 600 000 même. Tous ces zéros sur le mur bien alignés les uns en dessous des autres : le chiffre trois plus cinq zéros, quatre plus cinq zéros, cinq plus cinq zéros, six plus cinq zéros, etc, etc, peut-être même le chiffre un plus six zéros et 12,5% de frais d’enregistrement : 37 500 pour 300 000, 50 000 pour 400 000, 62 500 pour 500 000, 75 000 pour 600 000, 125 000 pour un million et ainsi de suite. Tous les coûts possible de déco, là sur le mur, des colonnes de budgets, interminables litanies de chiffres : reproductions tableaux Khnopff : 1000 € par tableau, 2 000, 3 000, peinture des portes et murs, ajout des moulures et des rosaces à tous les plafonds, 10 000 facile, parquet imitation vieux parquet, 10 000 aussi, voire plus. Et puis 100 € par-ci pour un outil, 200 € pour un lampe Tiffany, 5000€ par là pour un dressoir. 100, 125 000, 600 000, 1000 2000, 5000, 10 000, 37 500, 50 000, trois, sept, cinq, zéro, zéro, cinq, zéro, zéro, zéro, un zéro, zéro, un, zéro, zéro, zéro, zéro, zéro zérooooooooooo. Ooooooh ! Oooooh ! Elle se réveille en sursaut, ces cris continuent de résonner dans sa tête, elle se lève et s’approche de la fenêtre, elle a l’impression que ça vient de là. Elle voit deux jeunes sur le quai de la gare, canettes de bière à la main, casque sur la tête, ils dansent, ils crient. Elle se dit : ouf ! la folie c’est pas encore pour cette nuit.