« -What do you think about his social class…? How do you think it may have affected his writings?
-The money you mean…?…without it, WE wouldn’t have had any trace left about his writings.”
Rahhhhhhh…si j’avais pu, si j’avais voulu, si je m’étais laissé faire…j’en aurais tartiné tout l’après-midi, ou au moins une bonne demi-heure, ou au moins un quart d’heure, ou au moins 5 bonnes vraies minutes sur son « social-class ». Et surtout, surtout, sur sa certitude toute universitaire d’avoir trouvé là le biais incontournable, l’outil qui fait que, il allait me montrer comme je n’avais pas compris, comme j’avais zoublié, comme je m’étais zégarée…non, monsieur, je ne me suis pas égarée, je n’ai pas oublié, je n’ai pas besoin qu’on me montre la merde pour la sentir.
15 marches. Il y avait 15 marches à l’escalier. Je les comptais tous les jours, à chaque fois que je les montais 4 à 4. Sans pouvoir m’en empêcher, à chaque décompte, la même défaite dans l’énonciation mentale. Arrête, noms des Dieux !!! Je ne pouvais pas. Tout au plus cet « escalier » concentrait cette obsession. Car avant lui, je comptais tout. Les pas. Partout. Au moins, en dehors de lui, je ne comptais plus, ou presque plus, ça compte aussi.
Ille exultait. Tout son grand corps se réjouissait sans retenue d’avoir eu un témoin innocent pour cette réponse, ma réponse. Pour ce venin craché au visage sans prévenir. Sans prévenir ? Oh que si. Tout mon petit corps ne fait que ça de sa journée, prévenir. Il faut être aveugle, sourd, anosmique, agueusique, et j’en passe pour ne rien « voir ».
J’ai eu la sensation d’avoir donné un sachet entier de bonbon à un enfant. Et le deuxième prof de me regarder sans rien comprendre.
-Je vous ai sauvé. Je vous ai emmené loin de tout ça pour vous sauver.
Et sa tête de reprendre cette posture « haltière » héritée dont on ne savait où puisqu’elle nous en avait sauvé. Et le silence qui suivait nous indiquait qu’aucune question ne serait tolérée. Il fallait respecter la mise en scène.
Mes sœurs étaient moins obéissantes que moi. A mon grand désarroi, cela lui plaisait en fait. Peut être n’attendait-elle finalement que cela, qu’on lui résiste, enfant, enfin. Ou l’inverse, ou l’opposé, ou le contraire, ou les trois.
-Mais enfin…nous n’avons jamais été pauvre !!! Tout juste (mais futain de bordel de ferde, quelle est cette expression de ferde qu’elle a utilisé !!!!) …[ une petite déconvenue ? période de latence entre deux fortunes ? ENFANCE ????? ].
REVERS DE FORTUNE !!! Voilà, c’est ça…c’est comme ça qu’elle appelait notre enfance…un revers de fortune.
On se baladait à Rochefort ? à la Rochelle ? Un des deux mon capitaine. Il y avait une belle place avec des arcades. On était toutes les quatre, la mère et les trois filles. Mon frère ? Loin…très loin déjà.
« Alors là, c’était le café où j’allais prendre une grenadine après les cours avec mes amies… » son bras se levait comme par magie lourde pour nous désigner LE café sous arcade, aux belles décorations dorées, aux murs peints de fresques des années 1920. « Je posais ma mobylette près d’ici et j’avais une chambre là-bas. » Son visage, je ne l’avais jamais vu comme ça. Fraîche, reposée, amusée. On était venue pour la dernière visite à son père, notre grand-père, à l’hôpital. On n’y était pas encore allé. Ou alors était-ce pour son enterrement ? Je confonds toujours tout…cette mémoire.
Avec mes sœurs on s’est échangé des regards…zinterrogatifs. Je crois que chacune d’entre nous sentait le goût des boites de raviolis réchauffées de l’enfance dans « la banlieue du revers de fortune ». Ou du « sauvetage ».
J’ai envoyé un mail à mon notaire. Qui l’eût cru, j’ai un notaire.
“Bonjour Maître,
J’espère que vous allez bien,
Cela fait plusieurs années que je pense à renoncer aux divers héritages auxquels je pourrais prétendre, que ce soit côté paternel ou maternel. Je viens de faire quelques recherches, et puisqu’ils sont toujours vivants, j’ai cru comprendre qu’il fallait que je fasse une procédure devant notaires. Pouvez-vous me confirmer et éventuellement me donner le coût de la procédure ?
Sachant que je suis prête à payer pour ma tranquillité d’esprit et que je tiens à le faire de leur vivant.
Merci pour toute réponse… »
Ca s’appelle un Renoncement Réserve Héréditaire, et non, on ne peut pas le faire du vivant des succédants…dommange. Il faudra encore patienter pour ne plus compter.