Un sou, un seul sou, un sou de cinquante centimes, une pièce, parce que ce qu’on appelle un sou, ce n’est pas cinquante centimes, c’est cinq centimes, puisque cent sous on dit ça pour une pièce de cinq francs et Florida a fait le calcul, cinq francs en centimes ça fait cinq-cents et cinq-cents divisés par cent ça fait cinq, donc un sou, si cinq francs c’est cent sous, c’est cinq centimes, et le sou qu’elle tient dans la main, ce n’est pas un sou, c’en est dix, puisque c’est cinquante centimes, mais est-ce que ça change quelque chose d’avoir dans la main un sou ou dix ou cent quand on ce n’est qu’une seule pièce ? Florida ne sait pas, elle ignore le prix des choses, ce qu’elle sait c’est qu’un sou ou dix ou même cent, ce n’est pas assez pour vivre, même si un sou, c’est le début du million, mais elle n’arrive pas se l’imaginer, le million : un million, c’est mille fois mille, alors combien cela fait-il de sous ? C’est un calcul trop compliqué pour elle, elle ne sait pas les chiffres plus hauts que le million et elle n’a pas envie de se casser la tête avec ça, de toute façon, là, elle n’a dans la paume de sa main qu’un sou, un seul sou, même si ce sou c’en est dix, ce n’est presque rien. Elle pense, Florida, qu’avec un million de sous on pourrait remplir toute la grotte et que comme ça on ne pourrait plus y mourir à quatre, puis à trois parce que le petit est mort, puis peut-être bientôt à deux ou à une toute seule, sous une couverture.
J’aime comme les mots glissent du creux de la main de Florida au coeur de ses questions existentielles, ses touts petits comptes pour ses graves problèmes de survie,
Un texte court où on arrive en 3 lignes à s’attacher à Florida, à travers des mots à priori sans sentiment : sou, centimes, millions. Et cette chute qui vient m’achever le cœur. Merci