Florida a trouvé un sou. C’est une pièce de cinquante centimes. Elle l’a dans sa main, ce sou, et elle le regarde. C’est rare, un sou. Le père en ramène quelques-uns parfois, puis il repart. Ça fait des semaines qu’il n’est pas revenu. La grand-mère dit qu’il a oublié ses enfants, qu’il mène la vie, ailleurs, en ville. Ce sou a dû tomber de sa poche, la dernière fois qu’il est venu. Florida croyait qu’on n’en avait plus, de sous, mais il y en a encore un. Un seul. C’est peu, mais un sou est un sou, on dit ça. Cinquante centimes, ça n’est pas rien. C’est le début du million, ils disent aussi. Mais on ne demande pas à avoir des millions, on demande à avoir de quoi manger sans mendier, on demande de quoi pouvoir dormir sous une couverture moins rêche et habiter dans une vraie maison, alors on a demandé à s’embaucher chez des paysans mais ils se méfient ou alors ils disent oui et on va travailler, mais à la fin ils oublient de payer, ils disent qu’on n’avait jamais dit que c’était pour de l’argent, et on rentre à la grotte en espérant qu’un jour on en trouvera, des sous, parce qu’un sou, ça a beau être le début du million, ça ne suffit pas pour vivre et le père on a bien peur de ne plus jamais le revoir, pas qu’il nous manque mais un père ça doit gagner des sous pour faire vivre sa famille, sauf que celui-là de père, il mène la vie. Florida ne sait pas trop ce que ça veut dire, mener la vie, mais elle sait que ça ne ramène pas d’argent à la maison, ça ne permet même pas, mener la vie, d’en avoir une, de maison, alors elle garde bien précieusement sa pièce de cinquante centimes dans la paume de sa main et elle réfléchit à quoi elle pourrait bien servir, cette pièce.
Un vrai plaisir de lecture ce très beau texte ponctué d’expressions qui réveillent mon présent de souvenirs
Un sou c’est un sou, mener la vie…
Merci Vincent pour ce bon moment.
Un sou dans la bouche de Florida sonne comme le début de l’espoir. Mais le père paraît bien peu fiable. C’est une situation pénible, on attend le sauvetage, en attendant, on reste à lire à proximité de la grotte insalubre. Tant que la grand-mère est là…
Ce que je trouve particulièrement juste, c’est la petite musique lancinante du manque de fric. Son refrain ne vous lâche pas de tout le jour.