Il a disparu l’homme qu’elle a connu. Il a lu un message sur son téléphone, elle ne savait même pas que ce collègue amoureux d’elle lui enverrait un message. Elle n’avait rien fait pour plaire à ce collègue, il voulait la séduire par jeu comme le font certains collectionneurs, il a disparu l’homme qu’elle a connu après cette lecture, il a disparu depuis cinq ans, une méchante fée la remplacé par celui qui se trouve devant elle et qui lui demande encore une fois pourquoi elle n’a pas répondu à son appel. Elle lui redit qu’elle avait oublié son téléphone dans la voiture. Non, ça ne marchera pas, il ne tombera pas dans le panneau, il veut la vérité. Elle sait qu’elle vérité il veut entendre, une vérité où elle aurait commis une faute, et cette vérité justifierait cette scène qui durait depuis une demi-heure. Pour s’en sortir, elle devra comme les autres fois hurler et le menacer de partir ou pleurer d’épuisement. Il ne la frappait jamais, il s’en empêchait. Il n’était pas toujours en colère comme ça, il avait ces périodes, elle était toujours surprise, après quelques semaines de répit, le méchant maton revenait. Elle s’était habituée, elle limitait ces sorties pendant les périodes de perturbations orageuses. Il y avait cinq appels en absence, cinq, comment elle n’avait pas pu entendre son téléphone, elle lui disait qu’elle l’avait oublié dans la voiture, non, il n’y croyait pas, c’était une salope, une saleté de salope. Il en était sûr, il le sentait, il le devinait à sa gêne. Devant les autres, ils avaient pris l’habitude de jouer, lui semblait presque aux ordres de sa femme, elle était réservée et encore amoureuse, elle ne sait plus si elle l’était depuis plusieurs années. Ils étaient à table invités chez un couple d’amis, tout était parfait, ils discutaient de choses légères. Elle était assise à côté de lui, en face d’elle, il y avait la femme. Elle faisait attention à sa place, à toujours garder une distance par rapport aux hommes présents, elle le faisait de manière inconsciente, maintenant c’était un pli dans sa peau. La soirée a été agréable, le couple d’amis ne s’est aperçu de rien, ils ont vu que lui était tendu quand sur point anecdotique où il a été contredit, il s’est vexé, il s’est levé et s’est absenté brusquement aux toilettes, il est revenu souriant après quelques minutes. Lui a enchaîné un peu brutalement, il a lancé la discussion sur leurs salaires respectifs, elle le connaissait, elle savait qu’au bout, il y aurait ce moment où il se moquerait de son ridicule salaire de bibliothécaire, elle se tairait, elle espérait être sauvée avant par un de leurs amis. Les invités se sont regardés, étonnés de sa réaction, ils ont fait semblant de ne rien voir, comme elle, ça aussi c’était une habitude, ne rien montrer aux autres, puis tout est redevenu ordinaire, peut-être plus qu’ordinaire presque idéal. Elle avait eu un peu de paix, mais le premier mot qu’il lui dirait quand il serait seul dans la voiture loin des autres ce serait : salope. Maintenant, il était aussi jaloux de son fils, il ne comprenait pas qu’elle passe autant de temps pour lui, il n’existait plus à ses yeux, il n’y avait que cet enfant. Elle le savait, elle devait le quitter, mais elle n’y arrivait pas. Le quitter, c’était se révolter, et ce n’était pas en elle cette capacité à se battre et puis il y avait l’argent, comment faire avec son petit salaire. Ils sont rentrés, il lui a jeté un billet de vingt euros, puis il est parti se coucher. Le baby-sitter qui gardait son fils était là devant elle. Elle lui a fait un sourire, elle a eu de la chance qu’il ne voit pas ce sourire. Elle devait sauver leurs vies.
Codicille: Ce texte imparfait et ce petit dessin ne sont pas ici pour choquer, juste pour montrer. Je crois que mon travail de "romancier amateur" est d'essayer de montrer le monde et les gens qui l'habitent, c'est déjà beaucoup.
Je me suis demandée à la lecture de ce texte, comment il serait réécrit si on passait de l’explication à la suggestion, c’est à dire si on entrait dans la relation de domination selon un registre purement descriptif externe, en captant la gestuelle, l’attitude corporelle de la domination, le caractère très ambigu de certaines phrases, qui passe devant qui quand il faut changer les couverts, comment le mot « merci » sonne en présence des invités dans ce type de situation etc. Ce n’est pas la première intention ici, mais cela donne des idées.
Merci Marion pour ce retour, tu as raison il faut fuir l’explication. Je n’ai pas d’intention quand je rédige ce texte, je récolte , un croquis, un air de musique, ou comme ici, le résumé partiel d’une vie, je verrai en septembre ce que j’ai dans mon panier, est-ce que » j’ai trouvé un os de poulet ou un os de dinosaure » S.K.
J’aime beaucoup le début, sur la disparition, on est déplacé dans la lecture, a-t-on bien lu ? Qui parle ? Qui a disparu ? Les scènes de harcèlement sont hélas de plus en plus décortiquées et celle-ci avec un tempo ultra juste est très forte, la question de l’échappée restant entière…