Extrait du journal (à dater)
Question intéressante du vieux monsieur du 35 rue Germaine Tillion. Il avait une lettre recommandée du service des Eaux que je lui ai remise en main propre. Il m’a reçu sur le pas de sa porte en me demandant si en général, j’avais encore beaucoup de courrier à distribuer en dehors des lettres recommandées qui réclament de l’argent. Et en effet si j’analyse le contenu de la sacoche d’aujourd’hui je n’ai que deux lettres personnelles, quatre cartes postales, une dizaine d’abonnements à des journaux et revues, et le reste, qui fait le gros de la distribution, sont les lettres d’appel (ou de rappel) à paiement. Mais aussi toutes les pubs… parmi lesquelles se glissent toutes sortes d’arnaques : loteries commerciales et concours publicitaires, propositions de cadeaux, offres promotionnelles, offres de voyances… je note tout dans un cahier de comptes que j’ai aménagé pour une lecture facile des données. Moi, je ne sais pas faire, mais un sociologue pourrait lui, écrire un essai sur l’évolution du contenu des boites aux lettres sur les vingt dernières années en s’appuyant sur mon cahier. On verrait sans doute comment je suis passé du facteur des familles celui qui distribuait les nouvelles, qui tissait la toile des amours des amitiés, à celui de facteur de l’argent, non pas celui qu’on gagne mais celui qu’on doit… facteur de mauvaises nouvelles… d’ailleurs il y a toujours quelqu’un dans la journée pour me dire… pas de courrier aujourd’hui ? C’est bon ! C’est qu’il n’y a pas de facture* !
*anagramme de facteur