J’ai trois mille, j’en dois cinq pour dans deux semaines. Il faut deux mille de plus. Deux mille, plus au moins cinq cents par semaine. Alors mille plus deux mille et trois mille que j’ai. Ca fait six mille pour ces deux semaines. Je peux demander cinq cents à Claudio, peut-être même mille. Ça dépend. Je lui rendrais plus tard. Je dois dix à la tante Cécilia et quinze à Tomas. Mais s’ils ne disent rien, c’est qu’ils n’en ont pas besoin. Pas dans l’immédiat. Là, tout de suite, il me faut trois mille de plus. Alors disons mille de Claudio, il manque toujours deux mille. Je pourrais essayer avec Marta, ça fait longtemps que je ne la vois pas. Mais je pourrais passer chez elle, un matin en finissant mon shift de nuit. Je lui parlerai des filles et de leur école hors de prix. Je lui raconterai la longueur de mes nuits pour absorber tout ça. L’inflation qui explose et les taux meurtriers de la banque qui nous saigne. Je pourrais lui dire tout ça et peut-être qu’elle me prêterait cinq cents, voire sept cents cinquante si elle peut. Je n’oserai pas lui demander mille. Mille c’est beaucoup à sortir pour une femme seule. Mais mille, c’est ce qu’il me faudrait pour sortir la tête de l’eau, patienter une semaine avant de me faire égorger. Trouver encore une solution pour ne pas crever tout de suite. Rembourser les crédits qui s’empilent un à un sur tous les comptes que j’ai ouverts. Autant de jolies cartes colorées qui encombrent mon portefeuille. Et les appels des centres de crédits, ils ont flairé le filon et ils se passent mon numéro comme celui d’un bon dealer. De toutes façons, je ne répond plus au téléphone. Je n’ai plus le choix, je dois me refaire avant l’été, les filles voudront aller à la piscine, ou passer une journée à la campagne. Et les traites de la voiture qui tomberont en décembre, ça va tuer l’été, ça. La seule solution, c’est de reprendre un crédit pour éponger le précédent, respirer un moment et en même temps, creuser le trou où on va m’enterrer. Bon reprenons, trois mille plus huit cent cinquante. Et avec les deux mille cinq cents de loyer, ça fait un mois à presque rien. J’ai trois mille et j’en dois cinq. Si je demande mille à Claudio, presque mille à Marta et que j’augmente la cadence des nuits de cette semaine, peut-être que je peux me faire mille de plus. Et ça ferait les trois mille qui manquent pour dans deux semaines. On verra pour la suite.
Distention du temps, de l’argent, de la vie. Toutes les forces concentrées sur un seul but. Très réussi ! Merci, Irène !
Merci Helena, un abraço.