Pierre ignore absolument qui est l’instigateur de ce rendez-vous. Les mots écrits sur le papier trouvé dans sa boîte aux lettres étaient sans équivoque et sans signature. La maison n’a pas vraiment changé il n’y pensait plus très souvent à cette maison, il l’avait rayée de sa vie. La garder en mémoire était devenu selon l’expression à la mode contre-productif. Il avait tout supprimé, les photos, les adresses notées dans son GPS, tout ce qui avait un lien avec son passé d’ici. C’est ce qu’il répondait à qui lui posait des questions du genre : comment as-tu fait pour oublier ? Sur son tableau de bord le papier était plié en quatre, il aurait pu ne pas venir et pourtant il était là entrain de garer sa voiture, il n’avait plus qu’à grimper les marches.
Comment ai-je pu obéir à quatre mots écrits sur un papier trouvé sur mon plateau de petit déjeuner à l’hôtel. Paul toi mon défunt mari si tu me vois de là-haut tu dois bien te demander quelle mouche m’a piquée pour m’être propulsée jusqu’ici, mais tu la connais ta Mathilde elle n’est pas du genre à ne pas faire face. Oui il a bien fallu que je demande à Douglas le patron de l’hôtel de m’accompagner en voiture. Il est aux petits soins depuis que je me suis cassé la jambe. Heureusement sinon sans lui, je ne pouvais pas les monter ces marches. Tu te rappelles ces fameuses marches, et bien figures toi que contre toute attente elles vieillissent bien.
Non je ne lui dirai pas où je vais, je fais ce que je veux. Marianne a quitté son banc préféré, a tiré la porte du jardin tenant bien fermement le livre refermé sur le papier plié en quatre. Elle ne s’est pas posé la question, enfin si un peu quand même. Comment ce papier était-il arrivé dans son livre ? Sans réponse rationnelle, ce qui lui convenait tout à fait, elle avait décidé de foncer dans ce parfum d’aventure. Elle avait appelé le numéro de téléphone indiqué sous les quatre mots et un homme l’attendait devant la porte du jardin dans une belle voiture aux vitres teintées. Le voyage tout en silence l’avait intriguée. Pas un mot si ce n’est un au revoir avant qu’elle ne se retrouve au bas des marches de la grande maison, nom qui avait jailli de sa mémoire « la grande maison ». Elle marqua un temps d’arrêt puis monta les marches en les comptant comme autrefois quand elle était enfant.
J’adore ce petit papier et ces marches qui se promènent dans tes textes.
Et bien merci Clarence, heureuse de votre passage ici.