Depuis une semaine il fait grand jour dans la véranda, les nuages ont déserté avec le vent venu de l’océan, elle est contente d’avoir chaud, sur le porte-manteau où sont entassés les vêtements d’hiver, elle aperçoit de l’été dernier sa casquette comme il l’avait déposée ce soir-là dans un geste d’une légèreté comme la vie ordinaire, un geste de tous les après et les avants d’une journée, après être aller chercher son journal, après être allé au jardin planter les tomates, après avoir désherbé les fraisiers, avant de manger sa soupe, avant de s’asseoir à son bureau, avant d’allumer son ordinateur, combien de fois l’a-t-il posée sur ce porte-manteau, combien de fois l’a-t-il reprise jusqu’à la dernière fois et à quoi pensait-il cette dernière fois. Depuis une semaine il fait grand jour dans la véranda, les nuages ont déserté avec le vent venu de l’océan il lui avait bien fallu se rendre à l’évidence désormais il lui faut une casquette, finie la coquetterie, ses enfants lui ont dit et répété mets une casquette, sois raisonnable, à ton âge c’est indispensable et le docteur te l’a dit plus de soleil sans casquette, alors il se l’est commandée sa casquette, au moins avoir cette liberté du choix, il n’aurait plus manqué que ça la dictature de la casquette sans la liberté du choix, je suis encore capable de me choisir ma casquette leur avait-il dit. Sur internet chez son fournisseur favori pour ses habits d’homme de la terre, il l’avait choisie et commandée, une casquette aventurier, baroudeur, une casquette beige safari, la nuque et les oreilles bien protégées, avec en plus des trous bordés de rivets pour l’aération, le top de la casquette, devenue compagne indispensable à sa vie. Depuis une semaine il fait grand jour dans la véranda, les nuages ont déserté avec le vent venu de l’océan, elle est contente d’avoir chaud, sur le porte-manteau où sont entassés les vêtements d’hiver, elle aperçoit de l’été dernier comme il l’avait déposée ce soir-là, la casquette qu’il ne remettrait pas sans le savoir, elle est là elle la voit, elle le voit la mettre avant de sortir pour la dernière fois, la poser sur ce porte-manteau après être rentré pour la dernière fois, il ne savait pas que c’était là les dernières fois, à quoi pensait-il ?
C’est fort cette association de tonalités, de l’anecdote à l’urgence, la révolte de se savoir d’un coup arrimé à ce qu’on n’a pas voulu, le « raisonnable » à accepter avec l’âge, et soudain, au détour d’un autre objet, ce qui vient d’un coup, l’ombre d’une disparition – peut-être soi, qui sait, sous une casquette… on s’identifie à lui, vraiment
parce qu’il n’accepte pas
Merci Françoise pour votre lecture et pour les mots posés.