Elles sont quatre et se ressemblent étrangement, dans le sens où on ne peut pas dire qu’elles ne se ressemblent pas, mais malgré leur air ressemblant, il y a quelque chose d’étranger en chacune d’elle, c’est-à-dire que chacune a quelque chose de l’autre, tout en ayant quelque chose comme d’ailleurs, elles sont là toutes les quatre, assises ou allongées, elles se ressemblent toutes, on ne peut pas dire qu’elles ne sont pas de la même famille, et pourtant, elles sont radicalement différentes, elles sont toutes ensemble, rassemblées, elles sont toutes brunes et pourtant, on ne peut pas dire qu’elles se ressemblent, on ne peut pas dire qu’elles ne sont pas toutes brunes bien qu’il y a celle qui a des cheveux grisonnants, et puis il y a aussi celle qui a les cheveux tellement fins qu’on a du mal à en distinguer la couleur, mais on ne peut pas dire qu’elles ne sont pas brunes, elles sont peut-être un peu plus flétries que les deux autres, dont les chevelures sont exaltantes, moutonnantes, luxuriantes, vivantes ; elles sont toutes brunes, et plutôt blanches de peau, on ne peut pas dire qu’elles sont blanches, mais elles ont la peau blanche, avec des teints différents, l’une d’entre elles a quelque chose de doré, l’autre plutôt rosé, une le teint un peu passé alors que l’autre est définitivement pâle, il y a quelque chose de définitivement différent chez chacune d’elles, bien qu’elles soient toutes là, assises ou allongées sur ce tapis en plein centre de la pièce, l’une est accoudée à la table d’appoint, sa main enfouie dans sa longue chevelure, une autre est allongée, la tête posée sur ses cuisses, la plus âgée est étendue de tout son long au sol, et celle qui est pâle est recroquevillée sur un coin du tapis, ses bras entourant ses jambes, ne tenant à rien, fixant un motif du tapis qu’elle ne voit pas réellement, elle ressemble définitivement aux autres femmes qui l’entourent, mais elle habite la vie différemment, la vie s’écoule différemment dans son corps, on se demande même si elle s’y écoule réellement, puisqu’il est ramassé, comme entré en lui-même, abîmé, quelque chose d’étranger palpite en lui, quelque chose d’éloigné de la présence vibrante et joyeuse des autres, son cœur ne bat pas à l’unisson, il cogne au ralenti, faiblement, comme une musique qu’on entendrait de loin.
on ne peut pas dire que ce ne soit pas définitivement beau.
mais on peut dire merci, grand!
C’est un magnifique tableau qu’on découvre peu à peu, dans son ensemble, puis passant de l’une à l’autre, puis revenant à l’ensemble puis à nouveau l’une ou l’autre, et s’arrêtant enfin à celle qui est pâle, différente. Superbe !
J’avais peur de perdre le fil, je suis contente que la lecture reste fluide, merci beaucoup !