Elle, elle, elle, elle, il n’y en a que pour elle, elle, elle, et encore elle, elle, elle est, elle est, elle est là, pas encore, pas encore, pas de corps, pas encore là, son corps n’est pas là, là, là pas de pas, ces pas à elle, ses pas à lui, pas de lui, pas de pas de son de ses pas, à elle, elle n’est pas, sans corps elle est là, son corps s’ébruite, son corps ses bruits, sang corps pas de bruits, sans coeur pas de son, pas de sons pas de trance, pas de sang passant, transparent, elle est là transparente, sang rouge, pas de sang sans son cœur battant, sans elle pas de sang passant dans son cœur battant à lui.
Est-elle née, n’est-elle qu’un songe, naît-elle, elle est née, elle lui apparaît les yeux fermés, elle est là, elle est devant lui, les paupières rougies, devant lui, elle se tient là, devant lui et lui devant elle, elle est à la dérive devant lui, et lui, et lui s’éloigne sur l’autre rive. Elle est loin, elle est loin devant lui, elle n’est qu’un déplacement, un pincement, un pincement de rêve, elle est loin, elle n’est qu’un souffle, elle n’est qu’un rêve, derrière ses paupières cramoisies, déplacement d’ailes.
Elle est autour, il est après, il dévie, il dérive, elle est au tournant, sera-t-elle au tournant, tournera-t-il autour, va-t-elle prendre le virage, va-t-elle tourner, va-t-elle se retourner, son sang ne fait qu’un tour, il n’y a que du vent, du vent doux dans l’air amer, sans se retourner, elle n’est pas autour, elle n’est pas encore, elle est bouffée d’air, elle souffle sur la route, il était saoul sur la route, il était bien seul, il passe son temps à être seul, tant il souffre à marcher seul sur la route, il étouffe sur la route, il était seul la plupart du temps.
Elle était celle, elle était bien celle, elle était celle avec qui, avec qui, avec elle, il voulait passer la plupart du temps avec elle, elle était celle, elle était sel, elle était celle, mais lui n’était pas celui, il n’était pas celui qui allait être son grain de sel à elle, lui n’était rien sans elle, rien, pas celui, rien, ne plus rien, lui se pinçait pour le rêve, elle n’en voudrait pas, il en pinçait pour elle, pas pour elle, pour elle rien ne luit de lui, pour elle ce n’est pas lui, elle et lui ne font pas d’étincelles, lui éteint celle, lui éteint celle qui, pourtant lui n’a d’yeux que pour elle.
Avant de ne pas commencer, comment désamorcer, avant qu’elle l’ensorcelle, avant qu’elle le morde, avant l’amorce d’elle, elle n’en voulait pas, elle ne voulait pas le mordre, elle se voulait incertaine, elle, elle s’en sort, elle jette un sort, elle l’ensorcelle, pour jeter sa peine, lui faire de la peine, lui voulait se jeter, lui il en voulait, il lui en voulait, lui se jeter à ses pieds, il voulait de la sorcière, il ne voulait pas de sort, il ne voulait pas se défaire, passer au fer, il voulait se faire mordre, ne rien faire, sans rien, sans rien faire, rien ne va se passer, rien ne va passer, rien ne passe plus rien ne passe, rien n’est passé, devant lui c’est passé, il voulait que ça se passe, il voulait tant qu’elle passe.
Il râle, un râle, râle, râle, râle guttural, il aurait tant voulu lui passer les fers, dans un râle lui passer les fers, il aurait tant voulu que le temps s’arrête, pour qu’elle s’arrête, il la voyait, il la revoyait s’arrêter là, elle s’arrête là, stoppe net devant lui, net au ralenti, il la voyait au ralenti, il ralentissait tant que ça ne passait pas, elle lui plaisait, elle lui plaisait encore, sur l’image le temps ne passait plus, rien ne passait plus, plus de plaisir, rien, rien plus de désir, elle et lui dans ce laps de temps où tout ralentit, elle et lui coincés dans l’espace-temps, elle et lui arrêtés, elle et lui dans l’impasse, elle passe et lui dans l’impasse, elle sans lui, elle sans lui, elle sans lui, elle sans ses nuits à lui.
belle improvisation jazzy, même si je vois pas le rapport avec la proposition mais parfois on s’en fout de la proposition
je me suis peut-être plus laissé emporté par le rythme que par la proposition… merci Catherine pour ces mots encourageants!
Dans ce beau Lamento anaphorique que j’aurais plutôt intitulé LUI SANS ELLE, les mots sont répétés quatre fois puis se contaminent les uns les autres, comme les caillots d’ une hémorragie issue de la blessure -absence. La proposition est bien présente.Dans une rupture sentimentale le bégaiement est un symptôme phare , comme quelque chose d’insupportable qu’on arrive pas à croire… qu’on arrive pas à croire… qu’on arrive pas à croire… qu’on arrive pas à croire…
LUI SANS ELLE sans objection devait être le titre. Merci d’être venue me lire, je suis très touché par votre analyse Marie-Thérèse. Gratitude
Quelque chose de Gherasim Luca dans ces séquences à bout de souffle, dans leur exaspération des mots. Leurs enchaînements agissent (s’agitent) comme un encodage générateur de situations, de relations, de sentiments — d’amour
C’est très exactement ce catalyseur que j’ai ressenti en écrivant, cet « encodage générateur de situations, de relations, de sentiments ».
Merci Christophe pour ce rapprochement à Gherasim Luca… »Passionnément »!
Oui, j’ai aussi pensé à lui. Jouissif à pratiquer, Gherasim Luca. Merci de ta confirmation.
C’est très réussi, Michael. Marie-Thérèse en parle bien. C’est vraiment étrange comme le texte prend vie et fonctionne dans ce qu’on ne croit être au début que bégaiement.