une nouvelle proposition d’écriture à partir de Gertrude Stein, de ses portraits notamment. Dresser le portrait de plusieurs personnages en même temps, pas un seul ni deux ni trois mais quatre. Ce qui me fait penser à cette histoire du vaillant petit tailleur collecté par les frères Grimm, un tailleur qui, agacé par des mouches bombissant autour de sa mangeaille en tue sept d’un coup. Une histoire qui deja existe dans le Gargantua de Rabelais je crois. Possible que les Grimm l’aient d’ailleurs trouvée là comme certainement d’autres.
Maintenant il faut que je parle de Bergson et de James de ce qui les réunit c’est à dire à la fois le pragmatisme de l’un allié au… bergsonisme de l’autre ce qui permet ainsi une nouvelle appréhension du temps et de l’écriture, que l’on nomme ainsi « écriture automatique » Mais peut-on vraiment parler d’écriture automatique en lisant les textes de Gertrude Stein qui fut une élève particulièrement appréciée de James, je ne sais pas. Il me semble que l’écriture automatique qu’emploient par exemple les surréalistes n’est pas du tout la même chose que ce qu’écrit Gertrude Stein. Je crois que ça tient à la notion d’unité, à la plus petite valeur linguistique, au syntagme qui n’est pas à priori le paragraphe comme elle s’est plue à le dire mais le mot en premier lieu. Cette façon qu’elle laisse le mot entrer dans une sorte de combinatoire, peut ressembler à quelque chose d’aléatoire comme l’écriture automatique des surréalistes se fonde toute entière sur l’aléatoire. Mais la façon de Stein, bien que d’apparence plus simple, est en vérité beaucoup plus complexe. Les multiples renversements de la phrase et aussi l’utilisation de la conjugaison, du temps, des temps me font penser à une comptine, contine ? ce qui la rapproche de la manière du conte et donc à la fois du Gargantua et des frères Grimm, donc du sept d’un coup du vaillant petit tailleur.
C’est une étoffe ainsi tissée de mots si simples qui sont si simples qu’on n’y prête au début peu d’attention. Mais qui par l’insistance de leur évocation par tous les temps, comme surgissent et agacent parfois les mouches, perdent leur simplicité première pour créer autre chose, c’est à dire ce qui a pour l’étoffe vocation à dissimuler … un corps nu. Et aussi l’emploi insistant de ces temps, de la conjugaison provoque une sorte d’effondrement du temps tout entier, le texte alors prend la même intemporalité que celle du conte.
Comment je vais faire cet exercice, je me le demande, je ne devrais pas me le demander, à chaque fois que je me demande quelque chose je sais d’expérience que je réponds à côté. Et, me le demanderais-je dix fois de suite je n’obtiendrais que dix à côté . Il ne m’en faut que quatre en l’occurrence. Voici typiquement comment je me demande les choses et le type d’à côté qui en ressort.
d’autant qu’il ne faut pas perdre le fil et que ce texte-ci soit en relation avec les précédents comme avec les suivants. C’est la notion de continuité qui pose soucis. Continuité de personnage, continuité d’un hypothétique récit, continuité d’une narration. Surtout si il y a trop d’idées trop de lieux trop de tout. La continuité et la combinatoire de tous ces éléments voilà le soucis. Beaucoup d’éléments beaucoup de soucis.
Mais quatre ce n’est pas pour autant la mer à boire. La mer à boire me vient tout de suite à l’esprit dès que je pense à beaucoup d’éléments à combiner ensemble. Est-ce que cinq éléments est ce que le chiffre cinq provoquerait si j’y pense la sensation d’une mer à boire, est-ce que sept éléments le chiffre sept si j’y pense provoquerait ça aussi… et les couleurs, les couleurs c’est un problème aussi, plus on utilise de couleurs plus c’est la mer à boire. Je parle en tant que peintre car je suis peintre aussi. J’ai souvent résolu de problème des couleurs en peignant d’abord en noir et blanc. Parce que les couleurs ça ne veut rien dire, une couleur seule ne veut rien dire, ce qui compte ce sont les valeurs ‘ on ne peut peindre en couleur que si on a d’abord compris les valeurs . Quelle est alors la valeur de cette expression Qu’est ce que ça peut bien vouloir dire la mer à boire. Ma mère buvait, je m’en souviens, ma mère avait trois frères. Et donc 1 + 3 font quatre. quels étaient les prénoms de ses trois frères il y a si longtemps que je n’y pensais plus, à leur prénoms, jamais je n’ai prononcé leurs prénoms à ces quatre là en même temps, ou en les énumérant. et si j’essayais de le faire lequel viendrait en tout premier, le prénom de ma mère est Astrid qui vient d’une reine, son frère aîné est Kallio, je n’ai jamais su vraiment l’orthographier bien que je sache le prononcer, puis il y a Arnold un géant au regard gris bleu doux et triste et qui fut encore plus gris bleu doux et encore plus triste après la mort de son fils Boris. Et puis il y a Henri un autre géant un autre type de regard triste, une tristesse qui provient du ressentiment, de cette impression perpétuelle de ne pas avoir ce qu’il mérite, une tristesse lié à une sorte de fatalité tout à fait nordique.
Donc voilà comment je me demande quelque chose et que l’a côté surgit.
Maintenant seulement je tiens peut-être quelque chose, quatre prénoms. Ce sont les vrais prénoms je ne les ai pas inventés. je n’ai aucun mérite de me souvenir de ces quatre noms. c’est si simple de prononcer leur prénom. Astrid, Kallio, Arnold, Henri. je peux aussi les énoncer dans un autre sens, par ce dont je me souviens de leurs dates de naissance. Kallio qui fut un aîné, fils d’un homme inconnu, plus petit, plus nerveux, plus solitaire et taciturne dans le fond que les trois autres mais toujours affable toujours souriant, plombier de son état, grand fumeur, mort d’un cancer du poumon. je me souviens de lui un jour il était là souriant, affable, taciturne dans le fond, et un autre jour il ne fut plus là. il avait disparu. Il fut enterré dans le cimetière de Clamart dans les haut de Seine. Henri fut un autre aîné, fils du peintre estonien qu’avait épousé Valentine ma grand mère maternelle. Henri était très grand très fort, une montagne, mais il avait ce regard triste des personnes qui ne sont jamais satisfaites de ce qu’elles ont, qui se gâchent la vie à souhaiter obtenir autre chose que ce qu’ elles ont. Il est évident qu’il alla durant une première partie de sa vie dans le bons sens pour obtenir ce qu’il voulait, une partie de sa vie où tout lui sourit comme on dit, travail, famille costumes, voiture maison. puis il fit volte face, sans doute parce ce qu’il avait voulu il ne le voulait plus, il voulu autre chose mais c’était trop tard, il en tomba gravement malade, la contrariété le rendit malade, et il fut paralysé de tout un côté de lui-même , celui qui avait voulu toutes ces choses certainement et qui ne les voulait plus. Il vivota. il vivota. puis il mourut et ses cendres furent éparpillées dans le jardin du souvenir du cimetière de Valenton. Arnold était un cadet, c’était un géant bon et tendre avec des yeux gris bleu et une tristesse nordique comme seuls les nordiques peuvent avoir ce regard gris bleu triste. Il vendait des photocopieuses je m’en souviens a présent il n’avait pas fait d’étude mais il avait pris des cours du soir et avoir eu un enfant jeune l’avait entraîné à une belle ténacité, une continuité dans l’effort. Ce qui a l’époque payait encore puisqu’il gravit plusieurs échelons, devint ainsi responsable régional d’une entreprise qui vend toujours des photocopieuses mais sans lui puisqu’il se laissa mourrir après le mort de son fils, mon cousin Boris. Et puis il y a Astrid ma mère qui buvait, qui cousait, qui peignait qui n’était pas heureuse elle le disait parfois, pas souvent il fallait tendre l’oreille. Et buvait et elle laissait échapper un je ne suis pas heureuse , alors que mon père ne comprenait pas, il disait lui qu’elle avait tout, il ne comprenait pas qu’on ne puisse pas être heureux en ayant tout. Elle Astrid était envahie par ce qu’on appelait à cette époque le vague a l’âme, cela la rendait folle et pour qu’on ne le voit pas les enfants et mon père, elle buvait, elle buvait du blanc, un petit blanc qu’elle achetait en douce en faisant les commissions et qu’elle buvait en douce quand mon père n’était pas à la maison c’est à dire souvent. Elle fut malade car elle avait fumé beaucoup et bu beaucoup de blanc et qu’elle se répétait aussi qu’elle n’était pas heureuse, c’était une configuration d’éléments qui rend malade, elle mourut à l’hôpital de Créteil Soleil, qui est une station de RER puis ses cendres furent dispersées aussi dans le jardin du souvenir de Valenton. mais un peu plus loin . que celles d’Henri. Ils étaient quatre, paix à leurs âmes et à leurs cendres
paix à leurs cendre je dis ça mais pourquoi etc.
Je les aime bien ces géants, tendres et bons.
Merci Laurent Statos !
chez elle ce n’est pas de l’écriture automatique puisque guidé de main ferme par la pensée me semble-t-il,… chez eux aussi sans doute mais ils ne le savent pas en principe.
chez vous c’est notre plaisir de voir la pensée se déplier.
Merci Brigitte Célérier !
La vie est dans les plis ( Merci Brigitte C.) la vie est dans les plaies…
Ton éternel questionnement sur le pourquoi du comment et le pour qui du pour quoi faire est comme une valse mélancolique à quatre temps.A la fin , elle retombe sur ses deux pieds, et elle recommence. Ne me demande pas pourquoi cette chanson de Marie Laforêt ( j’espère que tu l’aimeras) m’est revenue à l’esprit en te lisant. Ce sont les prénoms qui ont induit le lien … Boris en particulier…
Merci Marie-Thérèse Peyrin !
https://www.youtube.com/watch?v=Yu3HBRpyyng&t=4s