Enfermée dans la petite cuisine carrée, Maman est là, mais s’est absentée. Son corps est bien ici, posé sur la chaise, les coudes sur la table, le regard dans le vide. Elle fume. Maman ne sait plus trop ce qu’il y a à faire aujourd’hui. Peut-être bien des courses, peut-être le ménage ou le dîner, elle ne se souvient pas de ce qu’ils ont pourtant convenu. Il lui répète bien tous les soirs, son Pepe, le programme du lendemain. Mais c’est comme si tout est aspiré par la nuit et qu’elle se réveille devant une page blanche. Et puis elle est si lasse. Elle en a assez d’ouvrir et fermer les portes du vaisselier, de déplacer les assiettes de la table à l’évier. Les courses, monter les escaliers avec deux sacs plastiques à bout de bras. Plus tard descendre la poubelle; un sac noir et odorant maintenu à distance de son corps. Étendre le linge sur le balcon, machine à laver vidée dans la bassine de plastique bleu et maintenant sur la pointe des pieds, épingler les vêtements en une belle guirlande. Mais Maman n’a rien à célébrer. Et certainement pas le fait de regarder le même paysage tous les jours. Il lui répète bien tous les soirs son Pepe, qu’elle a tout pour être heureuse : un mari travailleur, deux gosses, une famille à s’occuper, mais ça ne rentre pas. Maman, elle oublie tout ça quand elle s’assoit à table à fumer ses cigarettes. Ce n’est pas de sa faute, c’est parce que tout se répète à l’infini. Salir – laver ; monter – descendre ; remplir – vider. tout ça doucement s’efface derrière la fumée de ses cigarettes.