Ce lieu où la femme était assise pas plus tard qu’hier, cette cuisine, je n’y ai prêté que peu d’attention lors de ma première visite. J’ai seulement retenu que la pièce se trouvait approximativement au centre de la demeure et qu’on pouvait l’atteindre en passant par le devant ou par l’arrière. Souvenir d’une certaine obscurité, d’une cheminée en briques — four à pain plutôt. Volume peu éclairé. Mais tout ça, c’était après avoir franchi la distance qui séparait les bâtiments du chemin qui prenait à droite sur la route de F., chemin bordé de fougères, de petits chênes et d’églantiers, panneau indicateur lisible à condition d’arriver par le sud. De part et d’autre, des grandes parcelles couronnées de taillis, des sentiers côtoyant les clôtures avec bas-côtés grillés par l’été. Ces fossés seraient probablement noyés d’herbe au printemps suivant à laquelle se mêleraient de nombreuses floraisons — renoncules, ronces, fenouil sauvage, papilionacées à têtes mauves, ombellifères empoisonnantes — mais à aucun moment je n’ai pensé à ça lors de la prise de possession de la maison. Donc rien encore ne m’avait paru impressionnant de l’envahissement des abords par la végétation, de la présence des rapaces, de la succession de pluies et des soleils trop ardents. Une centaine de mètres plus loin, le muret semblait s’écarter, proposant de franchir la butte tout en longeant la façade en pierre, belle ma foi, blocs de granit bien jointés. Maintenant il faut entrer.
Nombreuses ouvertures, de quoi s’égarer. Sûrement qu’il est plus sage de passer par le jardin, d’aborder par l’autre flanc. Ce que je fais, poussée par l’envie d’expérimenter une nouvelle approche.
En effet, plus simple d’aborder la cuisine depuis le coteau où veillent de grosses pierres — on dirait des tombes, sans inscriptions ni ordre apparent. L’herbe n’a pas été coupée. Elle est gorgée des pluies de la nuit. Je m’y fraie un passage, l’escalier en rondins finissant par me conduire auprès d’un large auvent. Ici tout est modeste, à l’échelle de la vie ordinaire. Je me sens à la lisière, j’ai bien envie d’entrer. Pas besoin de frapper. Attraction de l’ombre, puissance des odeurs accumulées d’une teneur ancienne. Vais-je la surprendre ? Combien de fois me faudra-t-il refaire le chemin pour la revoir ?
Photographie, ©Françoise Renaud – végétal, avril 2023
Très beaux les alentours de la maison, l’envahissement de la végétation, la découverte progressive des floraisons… et la sensation que l’envie de revoir l’apparition se teinte d’une forme d’inquiétude (mais peut-être que je me trompe)… en tout cas l’envie d’en lire plus !
il est vrai que de refaire le chemin à l’envers permet d’autres explorations, alors on creuse certains détails, on les déniche, on les invente…
ben, je vais continuer… on verra si les renards et les rapaces assiégeront un jour ou l’autre la maison…
superbe approche, et oui même pour les maisons moins impressionnantes sauf circonstances solennelles toujours passer par la cuisine
tout à fait, voilà bien la meilleure entrée possible…
allons donc explorer plus avant la cuisine, et même s’y installer pour un petit moment !! il y a toujours quelque chose à grignoter…
Je serais presque tentée de vous accompagner dans cette maison à condition bien-sûr d’y être invitée…
vous êtes la bienvenue, Raymonde, surtout n’oubliez pas de passer par la cuisine !
à très vite de vous lire…
Déjà une tension, un mystère. Et cette chute pleine d’attente et de promesses : Combien de fois me faudra-t-il refaire le chemin pour la revoir ?
Envie d’y revenir avec vous.
revenez surtout, la porte de la cuisine est toujours ouverte et je vous attends…
en revanche je ne sais pas trop ce qui se trame dans l’ombre…
à vous lire…