Une rue large et toute droite qui va vers la gare. Sur le trottoir, les poubelles alignées ; les murs, noirs de cambouis ; des voitures, des autobus ballotés. La lourde porte s’ouvre en tournant la clé dans la serrure, il faut la pousser de l’épaule. Le plafond est haut, au fond un escalier aux marches en pierre, avec toilettes sur le palier. Un premier hall où il fait plus frais et sombre qu’à l’extérieur, une porte en verre qui mène à l’entrée de l’appartement. C’est le premier sur la droite, juste avant l’escalier ; le seul à cet étage, il me semble. La deuxième clé du trousseau à smiley jaune ouvre la porte, la plus petite; en la refermant, il faut faire glisser le verrou. A l’intérieur, le tabac froid recouvre la cire des planchers, la poussière des rideaux. A droite, c’est la chambre de ma mère, toujours fermée. En face, le salon : tout en longueur, une table laquée et ses chaises assorties, un buffet à vaisselle sombre, une cheminée recouverte de bibelots et au fond en face de la télévision, un canapé lit, la plupart du temps déplié, couverture léopard et coussins rouges sanguins. Je ne me souviens pas des motifs du papier peint, sûrement des feuilles entrelacées ou de pâles fleurs. On est dans la pénombre, les volets sont fermés ou à peine entre-ouverts. Le bruit de la circulation est une douce rumeur. En sortant du salon, une salle de bain minuscule et sans air, où je suis restée enfermée toute une nuit. Et dans la cuisine, sous la radio qui parle toute seule et le réfrigérateur qui s’enclenche, ma mère, les coudes collés à la nappe en plastique, fume ses cigarettes.
un appartement chargé de plein d’histoires. le personnage de la mère qui surgit à la fin donne envie d’en savoir plus.