La fenêtre donne sur la rue et les toits. Au matin les oiseaux piaillent au-dessus du futon. C’est entêtant. Dans le mur, les placards encastrés et le piano au milieu. La fenêtre est ouverte. Parfois le désir rôde. L’air circule, balaie le sol, remue l’air qui remue l’air, qui remue l’air jusqu’à la fenêtre du salon qui donne sur le monastère aux pierres rouges. C’est comme un monument italien dans une ville qui n’est pas italienne. Derrière les vitres, sûrement les moines prient. Au-dessus, c’est le grand ciel, il y a des joies de jour de pluie et des clapotis même en été, des souvenirs de pluie, des idées de pluie. C’est petit. Le plafond a des accidents et des angles de soupente. Sur le large évier en pierre, le robinet déverse son jet vertical sans bruit. La vaisselle éparse envahit le plan de travail. Des structures en acier attendent des tiroirs jamais montés et le mur blanc flanqué sur les hauteurs d’un minuscule chauffe eau thermodynamique, des étagères. L’acier et le chêne se mêlent et composent un objet en devenir dans l’attente d’un sursaut, d’une forme et de finitions. Dans la bibliothèque, quelques livres, se côtoient Einstein et Beethoven, ouvrages de physique, mémoires d’homme politique, Schiller et tracts militants, des cadeaux de proches et de moins proches. Sous un globe de verre, la lumière fait tourner une pale fragile par quelque mystère mécanique mêlant chaleur, et autre phénomène physique oublié. Un appeau en céramique provenant du Fayoum en forme de pangolin gît aux côtés d’une chope de bière qui chante lorsqu’on la porte aux lèvres. La salle de bain est carrelée de pièces de travertin de taille inégale. Dans la douche, des récipients à moitié vides, des gels douche au parfum puissant et chimique, un pain de savon toilette intime, un rideau blanc jauni à sa base, piqueté par endroits de quelques points de moisissure. De la lucarne à trois mètres de hauteur, une lumière blanche coule comme d’un puits. S’y glissent indifféremment la grâce, le froid, l’impatience et les pères Noël. Dans la chambre, sur le matelas, Le corps rond pesamment étendu dort d’un sommeil d’enfant, d’arbre ou d’animal que traverse à l’orée du réveil une sensualité tout à la fois lourde et mutine.
J’aime les souvenirs de pluie, les idées de pluie… le plafond qui a des accidents et tout ce qui se glisse dans la lucarne. Grand plaisir à vous lire.
Et oui… on y resterait bien.
Si s’y glissent la grâce, le froid, l’impatience et les pères Noël et qu’en plus il y a des joies de jour de pluie, comment ne pas être aux anges ? On y est bien et, oui, on y resterait bien.
Merci Bernard, le petit luxe en effet de l’écriture qui nous ouvre le temps de quelques lignes, des lieux disparus
la pluie en filigrane . Le poids des choses et celle du corps endormi . J’aime comme on s’approche des détails avec la sensation puissante qu’on a été là. Merci.
Merci Nathalie. Difficile à partir de cela de créer des personnages. On essaiera.