Faisant office de perron, deux marches en ciment, une première large longue et plate, l’autre plus ramassée et haute, une porte à la peinture écorchée, une poignée ovale dorée éteinte à force d’être empoignée, tenue tremblante par un clou, elle semble tourner dans le vide, mais ouvre quand même sur l’entrée plus longue que large, immédiatement à gauche, un escalier de bois dont la première marche est en pierre lisse, massive et blanche, une rampe de bois sur des barreaux de métal noir s’achève par une boule en laiton sans reflet, toujours sur la gauche, un porte manteau couronné d’un chapeau de paille à bord large et fatigué, un amas de vareuses attendant l’hiver, et en continuant, la porte de la cave qui même fermée transpire l’humidité des marches qui descendent derrière, le mur en face est vide sinon une porte, encore, qui s’ouvre sur ce qui sert de bibliothèque, un divan à droite de cette pièce, velours fatigué qui change de couleur si on le caresse à rebrousse poil et exhale un petit nuage de poussière crépitant dans la lumière du soleil, un meuble supporte le téléphone en bakélite gris, cadran rond translucide que personne ne saurait utiliser aujourd’hui, les rayons de la bibliothèque tout autour sont chargés de livres de poche, grande littérature, la classique, mais aussi une collection de polars jaunes délavés et quelques éditions originales de récits scouts aux couvertures illustrés par de jeunes garçons blonds en bermuda et godillots, le sol change en passant le chambranle face à la porte par laquelle se fait l’entrée, Les carreaux de ciment deviennent de larges tommettes rouges sombres plus épaisses légèrement plus hautes, voici la salle à manger, à droite une table à la longueur improbable qui semble ne pouvoir être contenue que dans cette pièce, à sa droite, encore, un banc de la même longueur, de l’autre côté une quinzaine de chaises aussi inconfortables que laides, deux fenêtres au long ainsi qu’un tableau vertical et sombre, il représente des hommes accoudés à un comptoir, accablés, clair obscur sur le poids du jour creusant les côtes, vidant les regards, derrière la table vers la gauche un tiers de la pièce est vide, comme inutile, puis deux fauteuils poussiéreux dont un tissé du même velours que le divan de la bibliothèque, les accoudoirs en bois sombre et vernis, sertis de volutes et de lignes creuses, un canapé à gauche collé au mur crépis grossier et hostile pour les nuques des imprudents, une table basse, dans son prolongement un meuble bancal et une télévision aussi large que profonde, à sa droite une statue d’Aphrodite en faux marbre blanc, elle verse de l’hydromel et surplombe le meuble à liqueurs qui exhale des odeurs de fruits macérés, contre le mur en face une cheminée monumentale et vide, éteinte, noire de suie et de cendres, il est debout face à elle, les bras croisés haut, son 501 fourré dans des bottes en caoutchouc, une chemise fine et élégante ouverte sur un thorax aux poils blanchis, de petite taille, les épaules, les bras, la poitrine sont celle et ceux d’un homme qui en a fait un usage intensif et long, il est dégarni mais ses cheveux bruns fins sont suffisamment présents pour être coiffés en arrière, on n’hésiterait quant à ses origines entre Maghreb et Italie du sud.
Il ne dit rien. Il fume.
Je retiens : un canapé collé au mur crépis grossier et hostile pour les nuques des imprudents. Qui semble annoncer la suite.