La corbeille de faux fruits en plastique prend la poussière sous la télévision. Fausses oranges, fausses bananes, faux citrons. Des enfants ont mordu dedans, y ont laissé de petites ridules blanches, la marque de leurs dents.
La porte-fenêtre est entrebâillée. La moquette d’un bleu passé est élimée à cet endroit. Elle fait de petits rouleaux sous les pieds. De l’eau s’est infiltrée dessous. Taches brunes. Le rideau de percale se soulève lentement et laisse entrevoir une petite cour bétonnée. Lourds les parfums du dehors où tout semble cuire comme dans un four. Confit d’agrumes, d’arums et de fonds de poubelles. Il est midi. Des oignons rissolent dans la cuisine à côté.
La table basse est encombrée. Un sac de tricot, des programmes télé, une pile de Veillées des chaumières. La télécommande est posée sur un napperon jauni.
L’aile de la colombe en plâtre, posée sur le bord du buffet, a été soigneusement recollée. Il faut s’approcher pour s’en apercevoir. Jusqu’à sa prochaine chute, l’oiseau est figé au moment où il prend son envol, ses petites pattes impatientes s’agrippent à une branche de cerisier en fleur. Certains bourgeons en plâtre sont éclos, d’autres non. La peinture commence à s’écailler. Plaisir d’offrir écrit sur étiquette or, c’est collé dessous si l’on prend la peine de soulever.
Le mur opposé à la porte-fenêtre est percé de briques de verre. On devine, derrière, le passage étroit où finissent de cuire des framboisiers. La lumière qui traverse les briques souligne l’imperfection du faux plafond qui gondole. On dirait du polystyrène sous la main. Des traces de doigts à plusieurs endroits. Le plafond est bas. Le salon est une ancienne remise transformée en salon. Il fallait un endroit pour les repas du dimanche et pour la télévision.
On passe du salon à la cuisine en montant une marche carrelée assez haute. On entre par une porte quelconque qui accroche le carrelage lorsqu’on la pousse à fond. Sous un globe orangé, la vieille est assise à une table ovale. Une barquette blanche qui a dû contenir des blancs de poulet ou un filet de poisson lui sert à recueillir les pelures de pommes de terre qu’elle est en train d’éplucher. Elle a chaud. Des gouttes de sueur perlent sur ses joues parcheminées. Elle a chaud et pleure doucement.
Écriture quasi clinique d’un intérieur, à la fois Impitoyable et tendre. Prenant. Merci
Merci Muriel. J’ai plutôt l’impression de subir cette écriture clinique. Il y manque une forme de légèreté, ça respire mal et ce n’était pas spécialement voulu. Mais enfin, cela fait sens pour moi « impitoyable et tendre ». A creuser donc.
Mais que c’est beau cet intérieur dans lequel on rentre à tâtons, et ces tables, et ces fruits et ces pelures et la vieille, merci beaucoup.
Merci à vous Clarence pour ces retours. Vécu comme tâtonnement d’écriture de mon côté.