Elle sort de l’hôtel situé de l’autre côté de la large artère qui traverse cet immense quartier, elle descend les marches qui la mènent en contrebas car la ville est vallonnée par endroits. Elle poursuit son chemin dans la rue Livingstone et débouche sur le square Marie-Louise. Comme à chaque fois, même aujourd’hui bien que cela ne lui soit pas indispensable pour se rendre à son lieu de rendez-vous, elle entre dans le parc qui entoure la pièce d’eau de forme allongée située au centre du square. Une allée bordée d’arbres, au bord de l’eau des colverts, et des bernaches entourées de leurs petits, des pigeons, autour du lac des saules pleureurs et diverses autres essences. Un joggeur en pull grenat passe à grands pas sautillants, une femme enceinte et sa petite fille regardent les canards et les pigeons. Sur un banc, un jeune couple fume un pétard. Le lac est clôturé par un fil de fer passant au travers de piquets de métal à intervalles de 2 mètres, de petits panneaux indiquent « Gestion naturelle de cet espace vert favorable à la biodiversité. Respectons la nature. Elle nous fait du bien ». Immédiatement à droite, le chemin sort du parc. Sur la gauche, de l’autre côté de la rue, l’immeuble blanc est là, comme s’il veillait sur le square. Les gens qui y habitent savent-ils ce qu’il abritait au siècle passé ? Certaines fenêtres sont décorées de jardinières fleuries. Au rez-de-chaussée, une Dermatology Clinic, à gauche du n°60, qui n’est pas sans lui rappeler de douloureux souvenirs sur ces lieux mêmes. L’adresse communiquée par l’homme qui lui a rendu sa brochure porte le N° 58. Elle descend la petite dizaine de marches qui la mènent vers l’entrée en contrebas. Une sorte de coursive dallée longe la base de l’immeuble et la sépare du niveau de la rue par une pente semée d’arbustes et soutenue par un muret de briques. Elle ne se souvient pas de l’existence jadis de ce dénivelé. Alors qu’elle se tient devant la porte vitrée de l’entrée, durant ces quelques secondes où elle prend conscience du renfoncement qu’on devine depuis la rue mais qu’on ne voit pas, un étrange sentiment l’envahit. Elle se dit que c’est ici qu’elle quitte ce qu’elle connaît ou croyait connaître de ce lieu.