La porte d’entrée ne ressemble à rien de ce que l’on voit habituellement chez nous. Ce n’est pas non plus l’élégance subtilement ostentatoire des villas de magazines d’architecture ; la Sainte Trinité du design de luxe : Italie, Côte d’Azur, Californie.
Au lieu de cela, cinq larges panneaux de bois brut, d’un brun riche, vivant. A peine lasuré. Pas de charnière visible, l’ensemble semble tenir mystérieusement, comme une pièce d’un seul tenant tronçonnée par erreur, dont chaque morceau aurait gardé la mémoire des autres. Une longue barre de métal effet rouillé sert de prise. Pas de serrure apparente. Un mécanisme invisible, peut-être.
Comme prévu, la porte est entr’ouverte. Aucun tapis ne vient feutrer la lente pirouette sur les gonds. Elle effleure légèrement le sol en découvrant l’intérieur. Chaque millimètre de cet ouvrage touche à la perfection, à un ou deux détails près. La perfection, quel ennui!
Un long couloir, trois mètres de large… peut-être plus, peut-être moins, difficile de saisir le jeu des miroirs et des voilages devant l’ alcôve, sur la droite. De l’autre côté, dans un immense cadre doré, des drapés, des tombés, des relevés aux couleurs neutres….Un miroir. Ailleurs, la course de deux arabesques, étourdissement qui soudain explose en coulures parallèles. Une seule ligne, libre, rien ne l’arrête, se jette depuis sa toile jusqu’ au tissé d’un fauteuil crânement adossé au mur …de l’autre côté.
Fuyant l’entrelacs schizophrène sur les murs, les larges dalles gris clair, mises bout à bout, filent, cherchent refuge dans la chaude lumière d’une pièce immense.
Des flammes orangées, retenues par les parois de photophores, verre, terre cuite, métal, diffusent. Une lumière qui s’insinue et taquine les aux autres sens. Une bonne odeur de pâte croustillante que l’on réchauffe ; en tendant l’oreille on entendrait le crépitement du beurre.
Comme il est étrange en pénétrant dans cet endroit de se retrouver face à des pieds, là où l’on attendrait le glissement d’une silhouette, des mains agiles, habiles, voletant d’un espace à un autre.
Deux pieds nus, d’un blanc lumineux, longs et fins, beaux, qui se tiennent immobiles devant l’ imposant îlot central en marbre. Un pied croisé devant l’autre, dans l’ abandon de la décontraction. Pantalon noir, chemise noire à la coupe parfaite, Swann est appuyé sur le plan de travail, téléphone à l’oreille. Il lève les yeux à mon arrivée et son sourire est une invitation.