Rien n’avait changé.La grande table de travail face aux fenêtres coulissantes qui ouvraient sur le merisier, l’ergonomique fauteuil de bureau, la vieille table de bistrot devant la baie vitrée au sud, le lit d’une place contre le mur au nord, tous les meubles de cette pièce étaient revêtus d’une étoffe blanche. Vieux draps de lin, nappes usagées. Le tissu recouvre chaque meuble, les transforme en fantômes. Seule la bibliothèque et ses cinq étages échappent à cette étrangeté. Elle laisse voir des livres et des objets, une statue des Cyclades et un paquet de cigarettes à moitié vide, un dictionnaire des mots rares et une boîte d’allumettes. Rien n’a changé. Rien ou presque. Des livres en plus. Il faut être attentif pour le découvrir. Il faut s’approcher, pencher la tête, lire les titres. Il y a bien quarante neuf livres qui n’étaient pas là avant : seize livres de Marguerite Duras, neuf ouvrages de Roland Barthes, quatre de Gaston Bachelard, trois de Mircea Eliane, trois de Umberto Eco, trois de Michel Leiris dont le Journal 1922-1989, deux ouvrages de Claude Levi-Strauss, deux recueils de poèmes (Rimbaud et Neruda). Il y a aussi l’œuvre complète de Dante, un ouvrage de Jean-Claude Rivière sur Dumezil à la découverte des Indo-Européens, Contes des mers du sud de Jack London, Statues de Michel Serre, Montedidio de Erri De Luca et La trêve de Primo Levi. Quelque chose avait donc bien changé autour des meubles-fantômes : ils étaient là désormais, les livres qu’elle avait retenus pour quand elle reviendra. Et tous les Duras surtout : Écrire, Le Square, Les impudents, Le Navire night, Le vice-consul, Un barrage contre le Pacifique, Hiroshima mon amour, La vie tranquille, Emily L… , Yann Andrea Steiner, L’amant de la Chine du nord, India song, La pluie d’été, Le marin de Gibraltar, C’est tout, Écrire. Deux exemplaires d’Ecrire : pour dire l’importance d’écrire.
je n’ai qu’un seul «Écrire», mais ça me donne irrépressible envie de faire l’inventaire des livres dont j’ai 2 exemplaires !
J’adore la photo avec votre ? écriture.
Et puis la liste des titres, des auteurs.
Et puis aussi celui là « écrire » que je découvre grace a vous et je vais m’empresser de lire !
tout un mouvement du regard pour parvenir au dire « Ecrire »
Ça c’est un début ! Envie de demander qui elle…
les meubles recouverts d’avant les arrivées qui seront des départs ou bien c’est l’inverse. On le voit parfaitement cet espace … (rien n’a changé ou presque . Qu’est-ce qui a changé me suis-je demandé hier en soulevant le drap de poussière dans la maison d’été). Une pile de livre et dessiner quelqu’un(e) en creux. Entre deux Ecrire La vie tranquille peut-être. Et sur le drap fumer une cigarette. Merci Ugo.
Merci Nathalie, Anne, Sandrine de vos mots au passage et de vos passages aux mots.
Merci Patrick et François d’avoir fait le détour.
tout a été dit alors juste merci (et admiration pour la qualité de l’ensemble)
On s’y verrait bien des « journées entières » avec ces bouquins à portée de main !
La vie propre des livres… On l’entrevoit quand Bergotte cane au musée. C’est drôle l’intérêt d’Anne pour celle qui est attendue, c’est plutôt avec ceux qui attendent qu’on fait les livres, je crois. Tes draps de lin m’ont fait penser aussi à Ghost Story, le film, si tu ne l’as pas vu… vraiment du beau matériau pour aller avec ce que tu commences là. Pas certaine d’ailleurs que l’attente ait véritablement un commencement, comme l’amour, c’est une infinité (dirait Tullia d’Aragona en passant chez toi).