Je suis dans la voiture, garée dans l’entrée de terrain. Je voulais voir la maison, enfin ce qu’elle va devenir, le chantier est bien avancé. Les essuie-glaces continuent leur ballet, tout est brouillé par les gouttes dehors, la buée au-dedans, et mes larmes pareil, dedans, dehors, font un rideau opaque. Une mauvaise nuit, un matin difficile, une journée tendue, la météo idem. J’ai tout laissé sur une impulsion brutale, enfants-boulot-ennuis, pour évacuer colère ou frustration, rouler vers l’avenir, rejoindre un lieu à moi. Je regarde les arbres, leurs mouvements sous l’orage, les nuages et le vent. Comme depuis l’âge tendre quand rien ne va plus, j’attrape cahier et crayon, toujours à portée de main. Me voilà à coucher sur le papier pensées, doutes et espoirs. Une femme apparaît, elle pense, parle, voyage. Écrire m’apaise et me transporte, j’oublie tristesse et mauvaise passe. Huit pages après, je me relis, le récit m’emporte, je veux que ça continue, que les mots sortent de l’eau, je me noyais et ils ont trouvé la surface, ils peuvent respirer librement, comme ressurgis du fond de l’océan géniteur pour accoucher au grand jour de leur douleur d’enfermement. Je peux enfin lâcher prise, ne plus les retenir, les laisser aller où bon leur semble. S’ils veulent aller sans point ni virgule ou bien en travers ou comme en désordre, peut-être est-ce une stratégie de leur part ? S’ils me mènent dans des pays inconnus, me présentent des gens aux existences ignorées mais dont je sais décrire les vies, les goûts, la couleur des yeux et la généalogie sur trois générations, peut-être est-ce pour les mettre au monde ? Donner vie, d’une autre manière que d’être mère, penser un ailleurs à partir d’un ici.
instant décisif le texte ici saisit et donne « Écrire m’apaise et me transporte, j’oublie tristesse et mauvaise passe. Huit pages après, je me relis, le récit m’emporte, je veux que ça continue » l’élan on le reçoit. Merci.
oui, et l’élan fait boomerang quand il rencontre un œil attentif à sa force, Merci Nathalie !
tu nous embarques ! presque dans un souffle. encore !
Un instant décisif qui appellerait une suite. On a envie d’en savoir davantage sur cet ailleurs
Multiplier les mondes et les vies.
« Huit pages après, je me relis, le récit m’emporte, je veux que ça continue, que les mots sortent de l’eau, je me noyais et ils ont trouvé la surface, ils peuvent respirer librement, comme ressurgis du fond de l’océan géniteur pour accoucher au grand jour de leur douleur d’enfermement. « et. voila pourquoi on s’entête! 🙂