Allongée sur la moquette du salon, la fillette relit sa rédaction. C’est là, peut-être que quelque chose s’ébauche ; est-ce l’emploi d’un mot bien choisi, d’une phrase bien tournée ? Comme un frisson, une sensation nouvelle s’esquisse, suffisamment forte pour laisser une trace dans sa mémoire. Une trace vague, mais réelle. Plus tard, elle sera parfois traversée par ce courant puissant et enivrant quand les mots inscrits les uns à la suite des autres s’organisent en ribambelle joyeuse et rythmée. Soudain ça pulse, ça vibre, ça tourbillonne, ça danse, ça joue, ça court, ça saute, ça culbute, ça pleure, ça crie peut-être, mais ça déferle mystérieusement, comme la mélodie qui unit dans un seul souffle tous les instruments de l’orchestre. Moments rares et précieux, presque insaisissables, dont les circonstances s’évadent de la mémoire, pour ne laisser que cette impression indéfinissable d’un flot qui traverse, toujours attendu, déjà disparu.