Elle ne se souvient de rien, si ce n’est des fous rires irrépressibles de son adolescence, elle aimait beaucoup rigoler, et encore plus faire rigoler. Son prof de français adorait lire les bons passages des rédacs des élèves et, canaille qu’elle était, elle usait de son écriture comme d’une plume à guili pour chatouiller ses camarades. Elle préparait longuement ses bons coups à la maison : elle écrivait d’abord à toute vitesse, le stylo haletant derrière les mots qui cascadaient, avant de recopier patiemment tout le contenu de sa rédac avec des pleins et des déliés et en tirant bien fort la langue pour que le prof ne bute pas sur un mot. La fluidité de cette parole d’adulte qui allait incarner son verbe à elle, de petite plus si petite que ça, la fluidité donc, c’était hyper important. On se marrait bien à l’époque, et son prof le premier.
Elle se souvient soudain qu’Isabelle, sa meilleure amie, est tombée gravement malade cette année-là. Une maladie rarissime, un truc horrible, qui aurait pu arriver à n’importe qui comme on dit, sauf que ça lui est arrivé à elle, Isabelle, et pas à quelqu’un d’autre, non non. Avant la maladie, tout le monde l’admirait, elle avait tous les talents comme on dit, une fée s’était penchée sur son berceau comme on dit. Tu parles.
Je suis pour la plume à guiliguili! Même dans le drame…