Assis sur le banc rouge en attendant l’école, un bloc de feuille tiré du cartable. Le nom de la rue, c’est un écrivain (pas trop son genre, l’écrivain aviateur, dessine-moi un mouton, on ne voit bien qu’avec le cœur), alors lui aussi s’est mis à écrire. Ils sont venus tout seuls, les mots, les phrases (presque les phrases, cela partait dans tous les sens, ça surgissait, la main arrivait à peine à suivre ce qui venait dans la tête), ils exprimaient ce qu’il y avait à exprimer à cet instant précis, assis sur ce banc rouge devant l’école, sans doute une histoire d’amour déçue, celle-ci ou celle-là, la brune, la blonde, celle à qui il n’osait ni écrire ni parler. Les lettres, c’était de longs traits penchés, passionnés, rageurs. Il y avait de la musique dans le geste d’écrire, une musique continue, fluide, un développement naturel, le sentiment que cela pourrait ne s’arrêter jamais. Puis la sonnerie. Les gens qui arrivent (la brune ? la blonde ? non, des types, des silhouettes, des figurants). Il faut arrêter. Comme un réveil qui sonne au milieu d’un beau rêve. Il range le bloc dans son cartable. Le lendemain, il relit son œuvre. Il n’aurait pas dû.
Très beau moment, merci pour le partage. Ne pas relire ses débordements, c’est une leçon que j’ai retenue moi aussi.
Merci, la relecture parfois en effet est cruelle.
L’aviateur a tenté lui aussi d’écrire une histoire d’amour malheureux, que tout le monde depuis confond avec une histoire d’enfance, d’animaux qui parlent et de planètes trop petites ou très mal habitées. Rien n’est parfait, Vincent !