Elle a longtemps hésité et puis finalement elle l’a achetée la petite maison au bout de ses pas au milieu d’un pâturage près de la forêt. La porte grince, s’ouvre sur une seule pièce éclairée d’une seule petite fenêtre. Sur l’étagère au-dessus de l’évier en pierre, elle a mis des bougies, une réserve de bougies et de boîtes d’allumettes. Dehors, le puits ombré par un vieux poirier n’est pas loin au milieu de la petite cour. Sur le bord de la fenêtre, elle a mis quelques fleurs roses parce que le rose va bien avec le vert du printemps, elle ne savait pas encore la couleur qui irait bien avec le froid de l’hiver alors elle s’était dit que ce serait la couleur des mots qu’elle écrirait sur ses cahiers. Sous le lit en fer blanc elle a glissé la boîte des souvenirs de son père, la correspondance avec sa mère quand il faisait son service militaire. Elle a aussi prévu des boîtes vides qu’elle remplit de phrases, selon les saisons, elle sait bien les moments où il faut les assembler, elle fait confiance au jour qui se lève pour soulever les rêves, les transformer en réalité. Le matin elle tire l’eau du puits pour laver ses doigts des couleurs de l’encre de ses stylos, le crayon de papier est pour ses incertitudes. Elle écrit dans le silence des bruits de la nature. Elle est assise devant la table. Ses lettres tremblent à la lumière de la flamme de la bougie, comme un enfant qui apprend à former les lettres avant de les assembler, rien n’est régulier, rien n’est droit. Si la pluie s’infiltre à travers les vieilles tuiles du toit, si les mots des cahiers sont mouillés elle les attache aux branches du vieux poirier pour les faire sécher.
Très beau texte Marie.
Et cette image de fin : les mots mouillés qui sèchent aux branches du vieux poirier, magnifique.
Merci
Merci Françoise ! Heureuse de votre passage ici !
Une maison de conte ancien, pour une autrice au profond du retrait, où ira le texte… le sait- elle ? À nous, elle donne confiance pour la suivre,
Merci Catherine de votre confiance pour la suite !
Oh comme on se sent bien dans ce texte et dans cette écriture!
Merci Solange. Très touchée par vos mots.
un doux laboratoire
Je n’avais pas pensé au « doux laboratoire » et cela me plait bien. Merci Brigitte
Une écriture poétique, puisque rien n’est droit…
Onduler dans le réel est une forme de résistance à l’âpreté du contact.
Le lieu glisse sur l’imaginaire et celui-ci l’apprivoise entièrement.
Onduler dans le réel, cela me va je crois ! Je veux bien profiter un peu de cette belle image..
Merci Marie-Thérèse.