Je dois me construire une citadelle intérieure imprenable car une chambre à moi, je n’en ai pas. J’ai du temps et deux vues qui me portent hors des murs de l’appartement familial, vers les grands arbres du cimetière parisien d’un côté et la banlieue bigarrée de l’autre. En préambule de cet atelier, je dois encore choisir la place depuis laquelle je vais assister à la mise à distance du quotidien pour entrer en lien avec mon intériorité ou dit autrement : comment se rassembler soi-même quand toutes les stimulations et attentes du dehors et du dedans pourraient l’empêcher?
Me viennent alors en tête la mise en place de points d’appui importants : un temps de concentration et de retour à soi par la méditation, puis une chaise relativement confortable à laquelle il manque néanmoins deux accoudoirs pour contenir ce corps dont la mise en forme laisse parfois à désirer, un petit secrétaire ouvert sur un plateau en noyer ayant appartenu à ma mère et que je serai la seule à ouvrir et fermer. C’est ici aussi que je participerai aux rencontres hebdomadaires de l’atelier, à l’abri de la grande déferlante des enfants en fin de la journée, c’est donc ici que je soignerai concrètement ma porosité aux autres, porte fermée, grâce à l’amour des miens et tout ce qu’il demande de limites.
Ce désir naissant est là, je l’ai identifié, maintenant il s’agit de se mettre à l’affût, d’attendre qu’il s’approche, de tester avec lui le dispositif que j’ai choisi et décrit plus haut, de l’ajuster en fonction de ses besoins. Puis une fois le contact établi, le nourrir aux heures de sa faim, suivre son rythme, accorder une attention extrême à ses états de corps, le porter, le consoler, le confier parfois à un autre aussi attentif, l’endormir, attendre qu’il se réveille, le chatouiller, jouer avec lui, et le faire rire assez pour que d’un petit calimero apeuré, il se transforme en cupidon grassouillet et rigolard, sérieux dans sa tâche, et colérique au besoin s’il est empêché de la mener à bien.